À l’été 1924, le Parti démocrate s’est réuni à New York pour ce qui allait être l’une des conventions les plus moches de l’histoire des États-Unis. Cela a non seulement révélé les fractures au sein du parti, mais aussi celles du pays dans son ensemble : l’animosité et la méfiance autour des sujets tels que la race, l’ethnie, la religion, la culture et l’idéologie ont alors jeté une ombre sur la politique américaine, comme c’est le cas aujourd’hui. Et pourtant, malgré tout cela, ce moment historique a montré que des Américains de camps opposés pouvaient encore se rassembler et réaliser un destin commun.
Cet épisode est particulièrement poignant aujourd’hui, à la suite de la tentative d’assassinat de Donald Trump, alors qu’il semble que la vie même et l’unité de la république soient en jeu. Compte tenu de cela, 1924 offre une parabole non seulement pour les Démocrates mais aussi pour les Républicains et, en fait, pour tous les Américains, qui pourraient être intéressés d’adopter une vision à plus long terme et d’envisager comment la nation pourrait traverser cette saison de désunion, sombre et menaçante.
Pendant les années vingt, les Républicains étaient le parti « in », unissant les intérêts financiers et industriels centrés dans le Nord-Est avec les agriculteurs aisés, les professionnels et les hommes d’affaires de la plupart du reste du pays, à part le Sud. L’élection de 1920 a vu le triomphe des Républicains sous Warren Harding après l’interlude de Wilson et la Première Guerre mondiale.
Les États de l’ancienne Confédération ont voté contre les Républicains non seulement par amertume post-guerre civile, mais aussi parce que leur région avait été réduite à un arrière-pays économique, exclu du développement industriel qui a transformé le Nord et condamné le sud à être son marché captif. Le fait que les élites du Sud aient conservé la hiérarchie raciale de Jim Crow en plus d’une économie agraire à moitié féodale, basée sur l’exploitation des anciens esclaves et des blancs pauvres, n’a pas aidé. Et pour ces raisons, eux, ainsi que certaines des régions également sous-développées de la périphérie occidentale, se considéraient comme des parias et des opposants au capital du Nord-Est, et étaient donc Démocrates.
Mais ils n’étaient pas les seuls dans le pays à avoir des reproches. La classe ouvrière industrielle dans de nombreuses grandes villes du ils Nord a souffert des effets d’une économie très inégale : des taudis misérables, des salaires bas et de mauvaises conditions de travail. Cela les a unis avec l’arrière-pays et a renforcé les Démocrates comme le parti de ceux qui sont « out ». Il y avait cependant un problème : les rangs des classes urbaines étaient gonflés par les immigrants et leurs enfants, beaucoup étaient catholiques ou juifs et, s’ils n’étaient pas irlandais, ils venaient de cultures encore plus étrangères du sud et de l’est de l’Europe. Pendant ce temps, le Sud et l’Ouest américains étaient — tout comme leurs rivaux du Nord — majoritairement anglo-protestants et étaient, pour le moins que l’on puisse dire, sujets à la xénophobie et aux préjugés anti-catholiques.
Il convient de mentionner que le fiasco de 1924 a eu lieu avant que les affinités culturelles ne deviennent le principal critère d’affiliations partisanes, comme c’est le cas aujourd’hui. Cela signifiait que les partis, les Démocrates en particulier, pouvaient avoir des circonscriptions avec des points de vue radicalement opposés sur l’identité ou la moralité (« questions de guerre culturelle ») mais faire partie de la même coalition électorale.
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