« Il était de première classe et moi de dernière classe », se souvenait le défunt John Prescott de son époque en tant que steward servant des boissons à Sir Anthony Eden à bord du MV Rangitata. Sur ordre du médecin, Eden et sa femme avaient entrepris une croisière vers la Nouvelle-Zélande, à peine neuf jours après sa démission suite à la crise de Suez en janvier 1957.
Plus tard dans sa vie, les plaisantins s’amusaient à dire que Prezza avait un jour « travaillé pour Cunard… et qu’il travaille encore assez dur aujourd’hui ». Mais sa carrière maritime précoce nous renvoie à un passé de plus en plus lointain, où une vie en mer représentait encore une carrière typique pour les jeunes Britanniques en quête d’aventure.
Au cours de ce voyage de six semaines, Eden avait offert des bouteilles de bière à Prescott pour ses performances dans le ring de boxe du navire, et Prescott allait décrire Eden comme un « vieux Tory » pour sa courtoisie et ses bonnes manières (bien qu’il fût moins enthousiaste à l’égard de la snob Lady Eden). Pourtant, à 18 ans, le jeune incendiaire voyait toujours l’ancien Premier ministre conservateur comme un ennemi de classe.
En mer, les dirigeants syndicaux considéraient Prescott comme un fauteur de troubles, et un sentiment d’inadéquation sociale le poursuivait tout au long de sa vie. Ce sentiment fut exacerbé par ses expériences éducatives : d’abord l’échec au 11-plus, qui était une source de traumatisme pour tant de membres de sa génération, puis l’embarras de la dyslexie non diagnostiquée pendant son temps au Ruskin College. Plus tard, lorsqu’un étudiant de la classe moyenne à l’Université de Hull l’avait traité de « prolétariat lumpen », Prescott n’avait compris l’insulte que bien plus tard.
Sa carrière entière devint une forme de revanche contre ces humiliations. Les moqueries dans la Chambre des Communes, notamment de la part de patriciens comme Nicholas Soames — « Le mien est un gin tonic, Giovanni, et voudrais-tu demander à mon ami ce qu’il prend ? » — laissaient Prescott avec une haine bouillonnante envers les Tories, et un engagement ferme à les expulser du gouvernement.
C’est dans ce contexte que Prescott se sépara de son ancien colocataire, Dennis Skinner (un autre ancien élève de Ruskin). Son héros était Ernie Bevin, l’homme de main pragmatique d’Attlee. Ainsi, en 1993, Prescott se rallia à John Smith sur la question du « un membre, une voix », puis soutint Tony Blair dans la suppression de la « Clause IV », cet engagement explicitement socialiste en faveur de « la propriété commune des moyens de production, de distribution et d’échange ». Ce principe était perçu par les réformateurs du parti comme un frein à l’électabilité du Labour. Car, tout comme Bevin, Prescott n’a jamais cessé de vouloir le pouvoir.
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