De toutes les petites villes dans lesquelles j’ai séjourné le long de la vallée du Rhône en France, Tournon-sur-Rhône est celle que j’ai le moins aimé. C’est une ville bruyante traversée par une vieille voie rapide, la route nationale 86.
Pourtant, même à Tournon, un mercredi après-midi ennuyeux, il y avait une scène sociale active, un sentiment commun de devoir être, sinon directement avec d’autres personnes, du moins près d’elles. Dans un café local, des amis, des collègues, des couples, des familles venaient et repartaient. Ceux qui arrivaient seuls, principalement des habitués plus âgés, venaient pour s’asseoir, regarder le monde et discuter avec les serveurs et les autres clients. Ils étaient seuls uniquement de nom. Chacun avait sa place, comme je l’ai découvert plus tard lorsque j’ai réalisé avoir pris la place d’un habitué. J’ai proposé de changer de place, mais ils ont décliné avec un sourire, marmonnant quelque chose que, j’espère, pouvait se traduire par : ‘Je suis peut-être attaché à mes habitudes, mais je n’y suis pas si attaché’.
J’ai passé près de trois heures dans ce café, et bien que j’y étais seul, je ne me suis jamais senti seul. Je n’ai pas commandé grand-chose, mais je ne me suis jamais senti pressé. Les Français comprennent la valeur de passer un long moment assis avec d’autres, tout en faisant, en apparence, rien.
Après ce café, je suis allé dans quatre autres, certains bondés, d’autres presque vides. Malgré la laideur de la ville, cela n’a jamais paru déprimant. Et peut-être est-ce parce que le fait d’être social est central pour le bonheur humain. La solitude, l’isolement, le fait de ne pas avoir de communauté à laquelle appartenir — voilà ce qui est déprimant. C’est le genre de désespoir qui peut rapidement atteindre des niveaux terribles. Suicidaires.
Cette culture du café, que j’ai observée au quotidien dans chaque communauté le long de la vallée du Rhône, n’est qu’un exemple du sens sain du communautarisme en France. Le fait de socialiser ici n’est pas du ‘réseautage’ — le but n’est pas de faire des connexions professionnelles ou de grimper dans la hiérarchie sociale, mais plutôt de faire partie d’un collectif, avec une compréhension partagée de qui vous êtes (dans ce cas, Français) et pourquoi c’est bien d’être ainsi. Ce sens de soi si ancré n’est pas explicitement reconnu. C’est le bassin dans laquelle vous nagez, mais que vous ne remarquez pas.
Ce sentiment de savoir qui vous êtes, de reconnaître que vous êtes une partie précieuse de quelque chose de plus grand et meilleur que vous-même, est bien moins courant aux États-Unis. Dans mon pays d’origine, être vous, autant que vous le pouvez l’être, et être défini par votre propre saveur d’unicité est central. C’est l’une des raisons pour lesquelles je pense que l’Europe (ou du moins de grandes parties de celle-ci) est bien plus saine que les États-Unis : vous pouvez le constater dans les statistiques de suicide et de mortalité, mais vous pouvez aussi le voir de vos propres yeux, si vous passez du temps à voyager entre les deux. Il ne faut pas longtemps pour réaliser que nous, Américains, ne sommes pas en bonne santé, ni physiquement ni mentalement. Nous sommes un pays malade et nous nous enfonçons. Nous faisons face à un niveau anormalement élevé de maladies mentales, diagnostiquées ou non. Nous sommes accros aux médicaments, qu’ils soient légaux ou illégaux, pour essayer de faire face. Nous nous tuons en nombre record.
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