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Kamala Harris, le triomphe des ‘vielles filles’ sans enfants La famille c'est de la politique 

TOPSHOT - US Vice President Kamala Harris watches as US DJ and rapper, D-Nice, performs during a 50th Anniversary of Hip Hop event at the residence of the Vice President in Washington, DC, on September 9, 2023. (Photo by Stefani Reynolds / AFP) (Photo by STEFANI REYNOLDS/AFP via Getty Images)

TOPSHOT - US Vice President Kamala Harris watches as US DJ and rapper, D-Nice, performs during a 50th Anniversary of Hip Hop event at the residence of the Vice President in Washington, DC, on September 9, 2023. (Photo by Stefani Reynolds / AFP) (Photo by STEFANI REYNOLDS/AFP via Getty Images)


juillet 29, 2024   5 mins

Si elle est élue, Harris ne sera pas seulement la première femme de couleur à accéder à la présidence ; elle sera aussi une présidente sans enfants.

Harris, 59 ans, mariée depuis 10 ans à l’avocat Douglas Emhoff, est la belle-mère de ses deux enfants adultes qui la surnomment (soyons honnêtes, de façon adorable) ‘Momala’. C’est son premier mariage ; avant cela, elle a eu plusieurs relations médiatisées avec des hommes, dont la personnalité télévisée Montel Williams et le politicien de San Francisco Willie Brown, qui a 30 ans de plus qu’Harris et est crédité d’avoir aidé à lancer sa carrière en tant que procureure de district.

Il existe différentes façons de décrire l’histoire romantique de Harris et son contexte familial actuel : non traditionnel, mixte, moderne, compliqué. Les jeunes, pourraient y voir le style de vie ‘brat’ (qu’on traduira par ‘morveuse’) caractérisé par un hédonisme chaotique (tout en consommant de la cocaïne et avec des crises émotionnelles occasionnelles). Mais peu importe comment vous voulez l’appeler, il est remarquable de considérer à quel point nous sommes loin de l’époque des ‘valeurs familiales’ rigides en politique, lorsque les affaires extraconjugales pouvaient être des scandales qui mettaient fin à une carrière, tandis que le simple fait d’être divorcé était vaguement suspect.

À l’époque, l’idéal platonique d’un candidat à la présidence était rassurant et familier : un homme d’âge moyen bien mis en costume, flanqué d’une femme jolie mais pas trop glamour et de quelques enfants en âge d’être à l’école. L’aspirant candidat à la présidence dont la famille ne correspondait pas à ce modèle était confronté à une bataille de légitimité difficile ; celui qui était différent d’une autre manière pouvait gagner la confiance de l’Amérique en s’y conformant le plus étroitement possible. Ce n’est sûrement pas une coïncidence que Barack Obama, notre premier président noir, était également esthétiquement indiscernable du père de banlieue maladroit moyen dans un sitcom. Comparez cela à Kamala Harris, dont l’histoire personnelle et la ‘vibe’ politique ressemblent moins à un sitcom des années 6O qu’à House of Cards — ou peut-être Game of Thrones, si vous croyez que ses relations romantiques ont autant été le produit d’alliances stratégiques que d’une affection sincère.

En même temps, rien dans la génération actuelle de familles politiques n’est comme avant — comme le montre le candidat républicain, qui fait passer Bill Clinton, qui était jugé à l’époque comme étant scandaleusement libertin, pour un boy-scout. Donald Trump est deux fois divorcé, a cinq enfants de trois femmes différentes, est reconnu pour sa grossièreté, et a récemment accumulé de multiples condamnations de justice pour avoir utilisé des fonds de campagne pour acheter le silence de la star du porno avec laquelle il avait une liaison alors que sa femme était enceinte. Il est le négatif parfait des candidats aux ‘valeurs familiales’ favorisés par son parti avant le 21e siècle.

Le résultat est un discours profondément confus, dans lequel personne ne sait s’il faut s’accrocher à ses valeurs ou laisser flotter le drapeau du nouveau monde. Les progressistes queer polyamoureux qui se moquaient autrefois de Pete Buttigieg parce qu’il n’était pas assez gay, jongle à grosse goutes avec la dissonance cognitive de devoir rester à la fois ‘sex-positive’ tout en condamnant simultanément Trump pour ses moeurs dégoûtantes — pour citer Joe Biden, il aurait ‘les moeurs d’un chat de gouttière’. Pendant ce temps, la droite conservatrice excorie Harris l’allumeuse, la meurtrière d’enfants, la communiste embauchée pour sa race et adulée par les mémères à chats sans enfants — avant d’applaudir le machisme et la virilité de leur président adultère marié à trois reprises.

‘La droite conservatrice excorie Harris l’allumeuse avant d’applaudir le machisme et la virilité de leur président adultère marié à trois reprises.’

L’incohérence est symptomatique de l’effondrement qu’entraîne le tribalisme politique tel que pratiqué par les partisans des deux côtés. Ce n’est pas seulement le spectacle des démocrates qui ont soutenu Bill Clinton prétendant être scandalisés par les affaires extraconjugales de Trump, ou les républicains, prétendument le parti des valeurs familiales, se lamentant de la baisse des taux de fertilité américains un moment et flirtant ensuite avec l’idée d’interdire la fécondation in-vitro le suivant. La tension est profonde : nous ne pouvons plus établir de manière fiable un lien entre la structure familiale et les habitudes de vote, encore moins l’identité politique.

Cette prise de conscience peut être déconcertante, voire activement aliénante. Lors de la Convention nationale républicaine plus tôt ce mois-ci, les progressistes ont exprimé leur détresse et leur horreur que Usha Vance, l’épouse indo-américaine du choix de vice-président de Trump J.D. Vance, soit apparue sur scène en soutien à son mari (au lieu de demander le divorce sur place, j’imagine). Un journaliste a publiquement spéculé que Usha, qui avait autrefois sa carte de démocrate, devait être là contre son gré, otage des aspirations politiques de son grossier troglodyte de mari. D’autres commentateurs étaient encore plus déconcertés : les deux Vances ne devraient-ils pas être démocrates ?

Pendant ce temps, Vance lui-même s’est attiré des ennuis avec les partisans de son propre parti après la rediffusion d’un extrait de Fox News de 2021 dans lequel il a ridiculisé ses opposants idéologiques en les qualifiant de ‘vieilles filles sans enfants’ et en suggérant que les personnes sans enfants, y compris Harris, n’étaient pas aptes au service public. Peut-être y a-t-il eu un temps où un politicien républicain pouvait assimiler le fait de ne pas avoir d’enfants à de l’égoïsme et ne pas subir de réactions massives de la part des électrices de son parti ; dans la culture d’aujourd’hui, les femmes conservatrices n’acceptent pas cela.

À ce stade, ce n’est pas clair si la vie de famille d’un candidat, ou les membres de sa famille, peuvent être encore présentés comme une preuve de son inaptitude à exercer une fonction. Dans la mesure où nous avions des règles à ce sujet, il est de plus en plus difficile de les faire respecter dans un paysage social en évolution rapide. Il fut un temps, par exemple, où attaquer l’épouse d’un politicien était censé être inacceptable – une norme que Trump avait brisée de façon mémorable lors des primaires de son propre parti en 2016. Mais fondamentalement, d’où venait cette norme ? Cette norme était-elle le produit d’un noble consensus selon lequel la vie de famille d’un politicien est sacrée et distincte ? Ou était-ce simplement le vestige d’une époque où les femmes étaient exclues de la vie politique ?

Quoi qu’il en soit, aujourd’hui nous croyons au contraire que la famille n’est pas seulement un sujet légitime, mais qu’il fait partie du package politique. Peut-être était-ce un sous-produit inévitable de la dynastification politique américaine, l’équivalent démocratique le plus proche des enjeux de succession de la famille royale britannique. Depuis la fondation du pays, nos élections ont été une litanie de noms familiers, familiaux : Adams, Roosevelt, Rockefeller. Bush, Kennedy, Clinton. Élire un homme à une fonction ouvre la porte à un flot de membres de la famille pour suivre ses traces – ou se tapir dans l’ombre à des postes de pouvoir non élus, comme Hunter Biden, ou comme les enfants de Trump.

Quoi qu’il en soit, on ne prend plus de gants ; rien n’est trop personnel pour être politique, y compris la famille d’un politicien. Mais, ironie du sort, plus la politique est traitée à la fois par la gauche et par la droite comme étant nécessairement entremêlée avec le personnel, moins les carrières politiques seront attrayantes pour les personnes ayant des familles, qui ne veulent pas, de manière compréhensible, mettre en danger les personnes qu’elles aiment le plus.

À ce titre, les deux côtés bénéficieraient d’un changement de mentalité. Les progressistes, plutôt que de diaboliser quelqu’un comme Usha Vance qui coucherait avec l’ennemi, devraient être encouragés par les implications du mariage de Vance avec une femme qui n’a apparemment pas toutes ses sensibilités politiques. Et les conservateurs, plutôt que de rejeter les personnes sans enfants comme étant inaptes à la fonction publique, devraient continuer à promouvoir les valeurs familiales tout en reconnaissant que la famille est un concept évolutif. Le paysage de la vie américaine change d’une manière qui ne peut qu’être reflétée à travers nos élus – non seulement en matière de diversité de race, d’ethnicité, de religion ou de sexualité, mais aussi une diversité de ceux qu’ils considèrent comme étant leur ‘famille’. La génération ‘millénial’, qui entre maintenant dans la fleur de l’âge moyen où les carrières politiques se font, est celle qui a le moins d’enfants dans l’histoire.

L’approche politique la plus avisée serait de ne pas rejeter ces personnes comme étant inéligibles ou indignes à participer à la démocratie ; c’est de réaliser que les vieilles filles sans enfants ont une quantité de bande passante sans précédent pour des activités ambitieuses et chronophages, comme, par exemple, se présenter à l’élection présidentielle – ou, comme cela pourrait le cas, barrer la route à un candidat avec leurs bulletins de vote.


Kat Rosenfield is an UnHerd columnist and co-host of the Feminine Chaos podcast. Her latest novel is You Must Remember This.

katrosenfield

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