Les avocats du gouvernement des États-Unis ont formellement demandé le démantèlement de Google. Dans la première et la plus avancée des deux actions antitrust en cours, l’entreprise a été reconnue coupable d’avoir agi illégalement pour protéger son activité de recherche. Alors que le deuxième procès attend son verdict, le premier est désormais entré dans la phase des remèdes formels.
Cela serait la plus grande décision en matière de concurrence de l’ère Internet, et la plus importante aux États-Unis depuis que le monopole Bell a été démantelé en 1982.
Après avoir été reconnu coupable d’abus de position dominante, une entreprise peut accepter de mener ses activités d’une manière différente pour restaurer un marché concurrentiel, un accord connu sous le nom de remède comportemental. Cependant, si le tribunal estime que l’entreprise est incapable de s’y conformer, il peut exiger son démantèlement, obligeant ainsi la séparation de certains de ses actifs clés. C’est précisément l’argument avancé par les avocats du ministère de la Justice : Google serait trop vaste et complexe pour être fiable.
Les procureurs réclament donc la séparation de Google de son navigateur web Chrome, utilisé par plus de trois milliards de personnes et dominant le marché des appareils mobiles et de bureau. Ils demandent également des mesures touchant Android, la plateforme de smartphones la plus répandue. Par ailleurs, Google devrait cesser de verser d’énormes sommes — dépassant 26 milliards de dollars par an, principalement à Apple — pour garantir que son moteur de recherche reste par défaut dans les navigateurs qu’il ne contrôle pas. Enfin, le ministère de la Justice souhaite limiter l’expansion du monopole de recherche de Google dans le domaine émergent de l’intelligence artificielle. Cela inclurait l’interdiction pour Google d’investir dans ou d’acquérir des produits liés à la recherche IA. Ces pratiques, jugées anticoncurrentielles par le tribunal, favorisent la domination de Google tout en décourageant le développement de moteurs de recherche alternatifs potentiellement supérieurs.
Cela marque une rupture majeure avec quatre décennies de politique antitrust. Pendant cette période, l’école de pensée de Chicago en matière de concurrence a dominé, prônant l’idée que le marché est auto-correcteur, et que l’intervention gouvernementale risque de causer davantage de dommages que de bienfaits. Depuis l’ère Reagan, les républicains ont largement adhéré à cette philosophie de laissez-faire. Un exemple marquant est survenu peu après l’arrivée au pouvoir de l’administration Bush en 2001 : l’affaire États-Unis contre Microsoft. Bien qu’un juge ait initialement ordonné le démantèlement de l’entreprise, le litige s’est rapidement conclu par un accord négocié imposant des sanctions beaucoup moins sévères.
Cependant, la loyauté envers l’école de Chicago n’est plus acquise. L’aile libertaire du Parti républicain n’est plus la voix dominante en matière de politique de concurrence depuis quelques années. Le populisme, quant à lui, reconnaît que les plateformes technologiques mondiales, avec des revenus dépassant parfois le PIB de certains États-nations, représentent une nouvelle réalité. Les électeurs ne se considèrent plus uniquement comme des consommateurs et, même à ce titre, constatent qu’un petit nombre d’entreprises agissent à leur guise. En réalité, cette affaire contre Google était l’un des derniers actes de la première administration Trump, portée par le procureur général Bill Barr — un vétéran des administrations Reagan et George H.W. Bush — en octobre 2020.
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