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La rupture Anglo-Américaine sur Israël

'On Gaza, at least, Britain is on the brink of breaking free from the strictures of Washington’s foreign policy.' Credit: Getty

juillet 22, 2024 - 10:45am

À la fin de la semaine dernière, le secrétaire aux Affaires étrangères David Lammy a annoncé que le gouvernement britannique reprendrait son financement de l’Agence des Nations unies pour les réfugiés de Palestine (UNRWA). En conséquence, 21 millions de livres sterling seront immédiatement débloqués pour aider à financer les efforts de l’agence à Gaza et en Cisjordanie. 

Le gouvernement précédent, aux côtés de 15 autres pays, a suspendu son financement de l’UNRWA en janvier, après des allégations d’Israël selon lesquelles le personnel de l’agence était impliqué dans les attaques du 7 octobre. Alors qu’une enquête interne est toujours en cours, un autre rapport avait déjà révélé qu’Israël n’avait même pas soumis de preuves pour soutenir de telles allégations. Pour certains, ces allégations du gouvernement israélien ne sont que le dernier épisode d’une campagne remontant à plusieurs années visant non seulement à saper l’agence, mais à la démanteler. 

Indépendamment des intentions qui étaient derrière ces décisions, jusqu’à la semaine dernière, seuls le Royaume-Uni et les États-Unis n’avaient pas rétabli le financement de l’agence, les abandonnant comme des « cas isolés honteux » selon Human Rights Watch. Désormais, Washington — qui a interdit tout financement jusqu’au mois de mars au plus tôt — se retrouve seule. 

Outre les implications pour l’UNRWA, l’office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine au Proche-Orient, et ceux qui dépendent de son travail, l’annonce de Lammy était extrêmement significative. Cela s’explique par le fait que c’est une rare occasion où Londres et Washington divergent en matière de politique étrangère, une divergence d’autant plus surprenante eu égard l’atlantisme instinctif de Starmer. Après tout, il s’agit de l’homme qui a initialement rejeté les appels à un cessez-le-feu l’année dernière, et qui a dit à ses députés de s’abstenir sur une motion des nationalistes écossais du SNP appelant à un cessez-le-feu. À l’époque, il avait soutenu un amendement qui critiquait Israël uniquement pour sa conduite à Gaza — les « whips » [NDT – parlementaire chargé de veiller à ce que les élus de son parti soient présents et votent en fonction des consignes du parti] ayant clairement indiqué à chaque membre du cabinet fantôme que voter avec le SNP serait cause d’expulsion. 

Parmi les mutins se trouvait Jess Phillips — sa démission du cabinet fantôme de Starmer ayant probablement fait la différence pour conserver son siège de Birmingham Yardley plus tôt ce mois-ci lors de l’élection. Mais même alors, sa majorité de plus de 10 000 voix a été réduite à moins de 700 — le candidat du Workers Party, Jody McIntyre, terminant deuxième. Ce fut géré maladroitement par Starmer et c’est la conséquence de la règle d’or établie de longue date au sein de la droite travailliste : ne rien dire de nouveau tant que les Américains ne vous en donnent pas la permission. 

Alors que Phillips a été mise en difficulté, d’autres travaillistes ont perdu, comme Jonathan Ashworth à Leicester South et Khalid Mahmood à Birmingham Perry Barr. Pendant ce temps, Heather Iqbal, une ancienne conseillère de la chancelière de l’échiquier actuelle Rachel Reeves, a été battue par un autre indépendant pro-Gaza à Dewsbury et Batley. Le scrutin la plus important de tous a été le quasi-échec de Wes Streeting : le prince héritier de la droite travailliste est passé à 530 voix près de perdre, face à Leanne Mohammed à Ilford North. Le fil rouge de tous ces scrutins : Gaza.  

Un cynique y verrait la cause de l’extraordinaire célérité du Labour à rembourser l’UNWRA. Cela expliquerait également pourquoi Lammy a déclaré, même avant les élections, qu’un gouvernement travailliste reconnaîtrait la Palestine même si cela signifiait contourner ses homologues de l’autre côté de l’Atlantique. Plus récemment, le secrétaire à la Défense américaine John Healey a promis que le parti appliquerait le droit international « sans crainte ni faveur » en référence au conflit à Gaza. 

Étant donné que la Cour pénale internationale pourrait émettre des mandats d’arrêt contre Benjamin Netanyahu et Yoav Gallant dans les semaines à venir, c’est une déclaration audacieuse. D’autant plus que Washington fait pression pour que le nouveau gouvernement britannique poursuive son recours juridique contre la Cour Penale Internationale entamé sous Rishi Sunak. Sur Gaza au moins, la Grande-Bretagne est sur le point de se libérer des contraintes de la politique étrangère de Washington. 

Suite aux élections générales, le Parti travailliste a pris conscience de sa vulnérabilité unique sur la question, notamment parmi la base du parti qui est composée d’électeurs de gauche, de jeunes, de minorités ethniques et des habitants des villes. Avec les Verts maintenant en seconde place dans des dizaines de circonscriptions, c’est une dynamique que le gourou de campagne de Starmer, Morgan McSweeney, voudra étouffer. 

La position du Parti travailliste charrie ses propres risques politiques. En réaction à cette annonce de Lammy, le Board of Deputies des Juifs Britanniques a repris les allégations non étayées avancées par Israël, tout en appelant à la dissolution ultime de l’UNRWA. Par ailleurs, StandWithUsUK, une organisation caritative qui prétend soutenir Israël et lutter contre l’antisémitisme, s’est déclarée « fermement en opposition avec cette décision ». Stephen Pollard, ancien rédacteur en chef du Jewish Chronicle, a retweeté un journaliste affirmant se sentir « gazé à une échelle industrielle ». La décision du Parti travailliste sera impopulaire auprès des nombreux partisans et organisations pro-israéliennes que Starmer a beaucoup courtisé. 

Mais les politiciens qui souhaitent être réélus doivent s’adresser à certains électeurs. Sur Gaza, il est tout simplement impossible pour le Parti travailliste de soutenir Israël sans poser de questions, même si la hiérarchie du parti le souhaite, étant donné que les trois quarts du public ont constamment soutenu un cessez-le-feu. Il n’est également plus viable de sous-traiter ses décisions de politique étrangère aux États-Unis lorsque l’opinion publique du pays sur ce sujet est si forte. 

Les gains des Verts et des indépendants plus tôt ce mois-ci, et la possibilité de triomphes similaires lors de futures élections, pourraient bien être le catalyseur de changements dans la politique étrangère britannique que peu jugeaient possibles. Comme pour le Brexit, c’est finalement l’électorat — et non les ONG, les lobbyistes ou les consultants — qui façonne les contours de la réalité politique. 


Aaron Bastani is the co-founder of Novara Media, and the author of Fully Automated Luxury Communism. 

AaronBastani

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