Comme tout intellectuel conservateur, Jordan Peterson a un jour été un homme de gauche. Dans l’Alberta des années 70, les gauchistes étaient rares ; Peterson a grandi dans ce qui ressemblait à un État à parti unique. À l’époque, presque tous les représentants de l’Assemblée législative de la province canadienne appartenaient au Parti conservateur progressiste, et parmi ces cinq élus, quatre étaient membres du Parti social-crédit, un mouvement de droite excentrique.
La seule voix de gauche était celle de Grant Notley, dont la femme, Sandra, était la bibliothécaire de l’école de Peterson, et dont la fille, Rachel, deviendra plus tard première ministre de l’Alberta. Peterson a travaillé pour Grant, et à seulement 14 ans, il a frôlé 13 voix pour être élu à l’exécutif de son Nouveau Parti démocratique. Mais c’est Sandra qui a eu l’impact le plus profond sur lui, en lui présentant les œuvres d’Aleksandr Soljenitsyne, d’Ayn Rand et de George Orwell.
Il est courant que les intellectuels conservateurs aient une histoire de conversion « damascène », et celle de Peterson trouve son origine dans The Road to Wigan Pier d’Orwell. Ce livre, dit-il, l’a convaincu que les socialistes, en règle générale, sont des gens mesquins et rancuniers, et que leur idéologie devait être rejetée. Peu importe qu’Orwell ait explicitement mis en garde ses lecteurs contre cette erreur : « Reculer devant le socialisme parce que tant de socialistes sont des gens inférieurs est aussi absurde que de refuser de voyager en train parce que vous n’aimez pas le visage du contrôleur de billets. » Pour Peterson, la politique est avant tout une question de caractère. Et sa lutte contre le socialisme mesquin et rancunier se traduit par une tentative de cultiver de bonnes qualités de caractère chez ses auditeurs.
Peterson est devenu l’intellectuel public le plus influent au monde en offrant des réponses concrètes aux publics anxieux. 12 Rules for Life, son best-seller de 2018, aborde les questions classiques du développement personnel : comment réussir au travail, comment trouver l’amour, comment instaurer l’ordre dans un monde chaotique et déconcertant. Le Peterson de 2018 semblait être l’homme idéal pour apporter des solutions ; il avait l’apparence et la voix d’un homme qui avait ses affaires en ordre. Il jouait habilement le rôle du père sévère : « Les jeunes sont pour la plupart sans valeur parce qu’ils ne savent rien. » Ses réponses étaient simples et pratiques, et ont probablement aidé des milliers de personnes. Faites-vous des amis avec des gens qui veulent le meilleur pour vous. Rangez votre chambre. Tenez-vous droit avec les épaules en arrière, mon gars !
Maintenant, cependant, Peterson préfère poser des questions. La distance entre 12 Rules for Life et son dernier livre, We Who Wrestle with God, reflète un changement dans sa personnalité publique. C’est un changement de la simplicité des instructions pratiques à une abstraction plus grandiloquente. Ce changement se manifeste même dans sa manière de s’habiller: la différence entre un costume élégant et professionnel et un costume gauche et flamboyant.
We Who Wrestle with God est une sorte d’homélie, une série de réflexions morales issues de sa lecture de la Bible. Les chapitres commencent et se terminent par des questions rhétoriques. Peterson raconte diverses histoires bibliques, qu’il suit de sa question rhétorique favorite : « Que signifie tout cela ? » Abraham semble adopter « les stratégies de reproduction les plus à long terme et les plus complètes possibles » — « Que signifie tout cela ? » Sa femme conçoit miraculeusement à 90 ans — « Que signifie cela ? »
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