Qui, à part le cynique le plus amer ou ceux qui déprécient rituellement la culture occidentale, pourrait faire autre chose que de lever une casquette, un béret ou une barrette, métaphorique ou réelle, à ceux qui ont reconstruit Notre-Dame ? Qui ne peut saluer l’ingéniosité et le savoir-faire des ingénieurs et des artisans qui l’ont ressuscitée ? Nous pourrions même rendre hommage aux politiciens, Emmanuel Macron en tête, dont le nom même signifie « Dieu est avec nous ».
Ce week-end, une cérémonie de réouverture et un concert auront lieu en présence de chefs d’État ainsi que du président élu des États-Unis, Donald Trump — peut-être pas par le Pape qui pense que sa présence pourrait être une distraction. Dimanche, il y aura une messe de célébration. Accompagné de caméras de télévision, Macron a déjà parcouru et monté la cathédrale rénovée. S’adressant à environ 1 300 artisans, il a déclaré : « Le choc de la réouverture sera aussi grand que celui de l’incendie. »
Il est difficile de ne pas être d’accord. Dans les mots du défunt Kenneth Clark — « Lord Clark of Civilisation » — Notre-Dame n’est « peut-être pas la cathédrale la plus aimable », pourtant son échelle et sa rigueur géométrique, son histoire longue et dramatique, et sa simple présence sur l’Île de la Cité en ont fait un aimant pour d’innombrables millions de personnes de toutes croyances ou de rien du tout venant du monde entier. Pour les Parisiens, et les Français en général, l’incendie de la cathédrale n’était rien de moins qu’une tragédie nationale. Notre-Dame est un symbole de la ville, une patronne architecturale et ecclésiastique pour le pays même.
Et pourtant, en regardant des vidéos et en étudiant des photographies de l’intérieur du bâtiment restauré, il semble que des centaines d’années d’histoire aient été en quelque sorte désinfectées et lavées. La nouvelle Notre-Dame semble si brillante, si antiseptiquement éclatante, surtout avec sa procession scintillante de lustres électriques dorés. Étrangement, étant donné que la construction de sa grande nef a commencé il y a presque 850 ans, elle apparaît presque toute neuve. Ces murs et voûtes nettoyés. Ce sol brillant. Ces couleurs vibrantes : rouges et bleus lapis-lazuli.
Bien que déstabilisant, ce sentiment que la Notre-Dame rénovée ressemble davantage à une grande salle civique qu’à un lieu de culte a un certain sens. Depuis la Révolution française, l’État possède pratiquement Notre-Dame, clé en main et flèche. Ses fortunes et son apparence ont oscillé avec les balancements du pendule politique.
En 1793, le culte catholique à Paris a été interdit. Le raisonnement philosophique avait été long à se former. « Tout homme sensé, tout homme honorable, doit avoir en horreur la religion chrétienne », déclara Voltaire. « L’homme ne sera jamais libre tant que le dernier roi ne sera pas étranglé avec les entrailles du dernier prêtre », s’emporta Denis Diderot. Ces écrivains sont morts avant la prise de la Bastille et les ministères de Madame Guillotine sur la Place de la Révolution, pourtant leur influence sur le cours de la politique et de la culture française à la fin du XVIIIe siècle fut profonde.
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