La question de savoir s’il faut ou non avoir des enfants n’a jamais semblé aussi politique. Sentant une crise de fertilité imminente, la droite populiste adopte un discours pronataliste. Elon Musk, père de 11, met en garde contre l’extinction massive de nations entières, tandis qu’en Europe, Viktor Orbán en Hongrie appelle à une politique de « procréation et non immigration », un sentiment repris par Giorgia Meloni.
Au-delà du brouillard de l’hystérie du grand remplacement, cependant, se cache une réalité potentiellement préoccupante. Sur chaque continent, les taux de natalité chutent. Il viendra peut-être un jour où les jeunes ne pourront pas maintenir les services publics pour une population vieillissante. Dans le pire des cas, cela pourrait signifier pas de soins de santé, pas de retraites, et pas d’aide sociale.
De nombreuses explications ont été avancées pour comprendre pourquoi nous avons cessé de nous reproduire : le coût élevé de l’éducation des enfants, l’incompatibilité entre la garde des enfants et le travail des femmes, la moindre valorisation culturelle de la maternité, l’accès accru à la contraception ou encore le déclin des mariages. Chacune de ces hypothèses contient une part de vérité, mais elles omettent plusieurs aspects essentiels. Par exemple, le taux de natalité a commencé à baisser bien avant l’avènement de la contraception et diminue même dans des pays où les femmes ne travaillent pas. De plus, il existe un paradoxe : dans de nombreux pays à revenu élevé, ce sont souvent les individus les plus riches et les mieux éduqués qui ont le moins d’enfants, brouillant ainsi l’idée que la baisse de natalité serait liée au coût croissant de la garde d’enfants. Cette tendance inverse également une règle généralement observée dans le règne animal : les individus de statut plus élevé ont habituellement plus de descendants.
Une partie du problème est que trop d’accent est mis sur la période de bouleversement culturel qui a suivi le Baby Boom. Dans les décennies entre 1950 et 2024, le taux de fécondité total (TFR) — le nombre moyen d’enfants qu’une femme est censée avoir — est tombé de 2,2 à 1,6 au Royaume-Uni et de 3,0 à 1,6 en France. Le déclin de la Corée du Sud est particulièrement dramatique, tombant de 6,1 à 0,7 pendant la même période. Elle a maintenant le TFR le plus bas au monde.
Mais cela fait partie d’une tendance vieille de près de 200 ans. Beaucoup des baisses les plus dramatiques de la fertilité ont eu lieu bien avant les années soixante. En Grande-Bretagne, le TFR est tombé de 4,6 à un peu plus de deux entre 1850 et 1920. En France, il est tombé de 4,5 à 3,5 entre 1760 et 1800. Cela ne peut pas être expliqué par la pilule, la libération des femmes, ou le coût de la vie en hausse.
Peut-être ce phénomène peut-il être mieux expliqué par la théorie évolutive, qui analyse la prise de décision reproductive comme un compromis entre quantité et qualité. L’idée centrale est qu’il existe un conflit inhérent entre le nombre d’enfants que l’on peut avoir et l’investissement que l’on peut consacrer à chacun. Les parents tendent à investir dans un enfant jusqu’à atteindre le point de rendements décroissants, après quoi ils dirigent leurs efforts vers l’éducation d’un autre enfant.