Un jour après que l’explosion du port de Beyrouth a dévasté la ville en août 2020, Emmanuel Macron est arrivé au Liban en tant que sauveur autoproclamé. Comme JFK à Berlin-Ouest, ou Fidel Castro à La Havane post-révolutionnaire, le président français a parcouru les rues. Entouré de gens ordinaires, se bousculant pour lui serrer la main, beaucoup ont supplié Macron de sauver leur pays de lui-même.
À la suite d’un mouvement de protestation interconfessionnel et d’une colère populaire profondément enracinée contre l’État libanais corrompu et intransigeant, de nombreux Libanais ont vu leur ancien maître colonial comme la réponse à toutes leurs prières. Le président a été particulièrement bien accueilli à Gemmayzeh, un bastion chrétien, et l’un des quartiers les plus touchés par l’explosion du port. Macron, pour sa part, a bien joué son rôle, écho des griefs d’un peuple assiégé par une économie en déliquescence et une corruption d’élite éhontée. « Je ne suis pas ici pour les aider, » a proclamé Macron. « Je suis ici pour vous aider. »
La visite de Macron a été si populaire, en fait, que 50 000 Libanais ont même signé une pétition demandant à la France de recoloniser leur patrie. Le président n’a jamais abordé la pétition, mais au-delà d’aider à lever 250 millions d’euros pour le pays malheureux, il a également établi une feuille de route ambitieuse pour transformer le Liban, affirmant avoir reçu des assurances de la part des dirigeants libanais qu’ils formeraient bientôt un nouveau cabinet. L’humanitaire est bien arrivé — mais les réformes ne se sont jamais matérialisées. Il a fallu une autre année avant que les politiciens libanais, en désaccord, ne forment enfin un nouveau gouvernement, et à tous égards, il semble tout aussi inefficace que les autres.
Aujourd’hui, quatre ans plus tard, Macron essaie de sauver le Liban une fois de plus — cette fois motivé autant par des préoccupations politiques intérieures que par l’influence de la France au Moyen-Orient. Aujourd’hui à Paris, il organise une conférence internationale pour obtenir un « soutien » pour le peuple et la souveraineté du Liban, après avoir déjà soutenu une proposition de cessez-le-feu pour mettre fin à la guerre d’Israël dans le pays. Face à des défis tant de la gauche que de la droite chez lui, Macron est devenu presque impuissant sur le plan national, et voit des crises de haut niveau dans des endroits comme l’Ukraine, l’Afrique, et surtout le Liban, comme des opportunités pour renforcer ses références en tant qu’acteur international audacieux. Mais ses chances de succès cette fois-ci sont à peine meilleures qu’il y a quatre ans. Car bien que la France ait de grandes prétentions au Liban, s’appuyant sur des siècles d’engagement culturel et politique complexe, la vérité est que le Moyen-Orient a évolué.
Les relations entre la France et le Liban remontent à près de 1 000 ans. Lors de la Première Croisade, le comte Raymond de Toulouse a « découvert » les Maronites, la plus grande des sectes chrétiennes du Liban, vivant dans les montagnes du Levant, les reconnectant ainsi au reste de la chrétienté occidentale. Des siècles plus tard, en 1649, alors que la région aujourd’hui connue sous le nom de Liban gagnait un certain degré d’autonomie sous la suzeraineté ottomane, la France ouvrait son premier consulat à Beyrouth et prenait officiellement les Maronites sous sa protection à la demande du patriarche de la communauté. Au 19ème siècle, en tant que protecteur de la population chrétienne du Liban, la France armait les Maronites contre leurs rivaux locaux et envoyait même des troupes en leur nom. Pendant ce temps, la France répandait les gloires de sa culture à travers la Méditerranée, ouvrant des universités et des lycées. Même aujourd’hui, des noms comme l’Université Saint-Joseph de Beyrouth évoquent le meilleur de l’éducation que le Liban peut offrir.
Ces efforts variés se cristalliseraient en 1923, lorsque la France établit des mandats coloniaux au Liban et en Syrie. Contrairement à Damas, où la domination étrangère était farouchement résistée, beaucoup à Beyrouth voyaient les Français comme des cousins — ce qui n’est peut-être pas surprenant pour un pays à majorité chrétienne où l’éducation française a longtemps été prisée. Bientôt, ces influences variées allaient redéfinir l’identité libanaise. Des salutations comme ça va et bonjour devenaient des refrains communs dans les cafés de Beyrouth, même si de nombreux chrétiens nommaient leurs enfants Georges ou Pierre. Michel Aoun, un commandant pendant la guerre civile et plus tard président du pays, n’est qu’une des nombreuses personnalités politiques à avoir également un nom français.
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