Après 50 jours sans gouvernement, la France perd la tête. Ce qui a commencé comme une curiosité historique s’est transformé en crise. Non seulement le gouvernement intérimaire actuel est incapable de gérer autre chose que des ‘affaires courantes’, mais la date limite pour adopter un budget approche et les Français se lassent de la saga politique estivale pour choisir un premier ministre. Dans un sondage réalisé à la fin juillet, 67 % des adultes estimaient que la décision d’Emmanuel Macron de dissoudre l’Assemblée nationale et de convoquer des élections anticipées était une erreur. Depuis lors, les attitudes se sont durcies. Les tactiques de retardement de Macron, et son mépris à l’égard de la Gauche en refusant sa nomination de Lucie Castets au poste de premier ministre, ont suscité un appel à sa destitution mené par le parti d’extrême gauche France Insoumise.
Entre-temps, le désenchantement à l’égard de tous les acteurs politiques du pays s’est installé. L’Assemblée nationale française, loin d’être perçue comme un défenseur de la démocratie contre un président autocratique, est vue aussi négativement que la présidence. Il est révélateur que ces derniers jours, Gabriel Attal, l’actuel Premier ministre intérimaire, soit devenu un choix privilégié pour le poste de premier ministre. Il semble que beaucoup en France préfèreraient oublier cet épisode désolant et revenir au statu quo ante.
Mais la stabilité politique est désormais un luxe du passé. La politique française a atteint un tel point mort que même la nomination éventuelle d’un premier ministre ne peut le surmonter. Les appels à l’action abondent mais ont peu de chances réelles de se concrétiser. Prenez l’appel de La France Insoumise à la destitution de Macron. Le mouvement, dirigé par Jean-Luc Mélenchon, a soutenu que les actions de Macron sont profondément antidémocratiques, se positionnant comme des défenseurs de la démocratie française. Leur pétition pour la destitution a recueilli des milliers de signatures, et ils ont appelé à des manifestations de masse qui doivent avoir lieu samedi.
Et pourtant, il est très peu probable que Macron fasse face à une destitution. La motion est principalement un dispositif rhétorique, car il est extrêmement difficile de la faire passer sous les règles de la constitution de la Cinquième République. France Insoumise a atteint le seuil de 10 % de députés ou de sénateurs requis pour que la motion soit considérée comme recevable par le comité législatif compétent. Une tentative de destituer François Hollande en 2016, sur des allégations selon lesquelles il aurait révélé des secrets d’État dans ses discussions avec des journalistes, a atteint ce stade avant d’être rejetée. Si une motion de destitution était considérée comme valide, elle nécessiterait alors une majorité des deux tiers dans les deux chambres législatives — le parlement et le sénat. Il y a peu de soutien pour un tel mouvement en dehors de France Insoumise, ce qui signifie qu’il est presque impossible d’imaginer qu’elle atteigne l’exigence des deux tiers juste à l’Assemblée nationale, sans parler du Sénat où le LFI n’a aucun sénateur.
Face à une telle hostilité, la stratégie de Macron est devenue plus claire. Son veto ferme à la candidate de gauche Lucie Castets a révélé sa détermination à ne pas nommer un premier ministre engagé à annuler ses propres réalisations législatives. Ses réformes des retraites semblent lui tenir particulièrement à cœur.
Un sérieux prétendant au poste de premier ministre est Bernard Cazeneuve, qui était le confident politique de Macron lorsqu’il était une étoile montante dans le gouvernement Hollande et que Cazeneuve était ministre de l’Intérieur. Les deux hommes, qui auraient le même goût pour les films (les classiques de Michel Audiard) et se retrouvaient pour des discussions tardives autour d’un whisky, se sont fâchés après que Macron a lancé En Marche. Ce faisant, Macron s’est insurgé contre le même establishment politique que Cazeneuve incarnait après que Hollande l’ait nommé premier ministre en décembre 2016. Pourtant, malgré sa notoriété, Cazeneuve manque de soutien au sein de l’alliance du Nouveau Front Populaire, notamment de France Insoumise. Et, peut-être de manière fatale, il semble ne pas être en faveur du maintien des réformes des retraites de Macron.
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SubscribeC’est pas des hurlements, c’est des glapissement. Macron n’est pas très populaire, mais ses alternatives ne le sont pas non plus.
Donc le cirque va se poursuivre. La Belgique a vécu un an sans gouvernement, et ne s’en est pas plus mal portée.