X Close

Le pari de Macron fonctionne-t-il réellement ? Il sacrifie la France pour rester au sommet

France's President Emmanuel Macron talks on his mobile phone as he arrives to give a press statement on June 28, 2022 at Elmau Castle, southern Germany, at the end of the G7 Summit. (Photo by Ludovic MARIN / AFP) (Photo by LUDOVIC MARIN/AFP via Getty Images)

France's President Emmanuel Macron talks on his mobile phone as he arrives to give a press statement on June 28, 2022 at Elmau Castle, southern Germany, at the end of the G7 Summit. (Photo by Ludovic MARIN / AFP) (Photo by LUDOVIC MARIN/AFP via Getty Images)


juillet 4, 2024   5 mins

Un extrait de 10 secondes de Star Wars : Le Retour du Jedi fait le tour des réseaux sociaux français. On y voit un Empereur Palpatine en état de décomposition arriver sur la Deuxième Étoile de la Mort ‘pleinement opérationnelle’, en ricanant : « Tout se déroule comme je l’avais prévu». Cette courte vidéo est censée illustrer les ravages que Macron a causés en France, dans ses institutions et sa politique — ainsi que son arrogance.

Après une campagne nationale accélérée de trois semaines, le premier tour des élections a vu les candidats du Rassemblement National recueillir 33 % des voix au total. L’alliance de gauche assemblée à la hâte, le Nouveau Front Populaire, a réussi à capturer 28 % des voix, et le parti Ensemble de Macron n’a obtenu que 21,5 %. Dans une élection britannique, cela semblerait annoncer une victoire facile. Ce n’est pas le cas dans le système français à deux tours, où les deux perdants pourraient décider de s’unir contre le leader pour le second tour des élections.

C’est ce qu’Emmanuel Macron a décidé que lui, le ‘grand virtuose’, pouvait accomplir. Il voulait assurer un affrontement clair à deux partis, circonscription par circonscription, entre le représentant diabolique du Rassemblement National d’un côté, et de l’autre, tous ces courageux membres du Front Républicain qui se dressent pour barrer la route au fascisme. Ainsi, anticipant ce mariage de convenance, il a exhorté quiconque arrivant dernier à se retirer.

C’est pourquoi, alors que les nouvelles des piètres performances de ses candidats arrivaient tout au long de la nuit du premier tour, le président continuait de sourire, convaincu qu’il pourrait couper les ailes du Rassemblement National et se présenter comme le ‘grand sauveur de la démocratie. « J’avais raison », aurait-il dit, selon Le Canard Enchaîné bien informé, à des collaborateurs sous le choc. « L’abcès devait être percé. Nous allons construire une très large coalition gouvernementale avec chaque parti de l’alliance du Nouveau Front Populaire, à l’exception de [le parti trotskiste de Jean-Luc Mélenchon] France Insoumise. » Quelques jours plus tard, il a amendé cela pour inclure France Insoumise, même si, trois semaines auparavant, il avait (avec justesse) décrit notre version de la secte Corbynite comme ‘antidémocratique, antiparlementaire, antisémite, anti-nucléaire et pro-russe’.

Ensuite, suivant le rythme urgent de l’élection, tous les noms des candidats se présentant au second tour devaient être enregistrés avant mardi soir. Lorsque la poussière est retombée hier, les 306 circonscriptions où une bataille ‘triangulaire’ aurait presque automatiquement favorisé le Rassemblement National étaient passées à 89. D’où l’extrait de l’Élysée avec Palpatine : Macron estime que son plan rusé a fonctionné.

C’est du Macron classique. Il aborde chaque problème en le disséquant froidement en composants abstraits. Lorsque le président Hollande l’a placé sur le devant de la scène en 2015 pour en faire le ministre de l’Économie (il n’est pas nécessaire d’être député en France pour être au gouvernement), il s’est plaint de la ‘désorganisation’ et de la ‘futilité’ de la politique, des ‘négociations inutiles sur des détails’ et du ‘gaspillage de temps’ que cela impliquait. Mandarin ultime, il traite son gouvernement comme des subordonnés et ses députés comme des employés. Peu impressionné par les sondeurs, il a fait ses propres calculs et croit pouvoir façonner n’importe quelle Assemblée Nationale qui sortira du vote de dimanche prochain en un corps de législateurs avec lesquels il pourra travailler. Après tout, raisonne-t-il, il n’avait déjà pas une majorité absolue dans la précédente Assemblée.

Cela exaspère non seulement ses ministres et tous ces députés dont il a sacrifié la carrière avec son coup de poker, mais aussi l’électorat. Après tout, à l’heure actuelle de méfiance et de soupçons de magouilles, la seule question est : les électeurs suivront-ils également son plan ‘rusé’ ? En France, on choisit ses favoris au premier tour, et on arbitre pour le moins mauvais au second. Ainsi, ce ne sont pas seulement les politiciens qui se sentent trahis de devoir céder aux adversaires : les électeurs républicains accepteront-ils de voter pour des politiciens qui, le couteau sous la gorge, ont signé un Manifeste plus radical que celui de François Mitterrand en 1981 ?

‘La seule question est : les électeurs suivront-ils également son plan ‘rusé’ ?’

Le Nouveau Front Populaire, cette alliance inconfortable de socialistes, Verts, communistes et trotskistes Mélenchonistes jetés ensemble en trois jours après la dissolution de l’Assemblée par Macron, plaide en faveur de taxes élevées, y compris 100 % sur toutes les successions au-dessus d’un plafond à déterminer ultérieurement ; taxes à l’importation, taxes à l’exportation, taxes écologiques, taxes de sécurité sociale en plus des énormes charges sociales, et une taxe de sortie en plus d’un impôt sur la fortune réintroduit pour quiconque tente de quitter le nouveau paradis de la France. Il y a plus de Zéro Net, aucun pesticide plus jamais ; accélération de l’admission de tout migrant qualifié de ‘réfugié climatique’ (ce serait la plupart de l’Afrique subsaharienne, une partie de l’Océanie et de nombreuses îles de l’océan Indien) ; des représentants syndicaux détenant un tiers des sièges dans les conseils d’administration des entreprises. L’UE devrait rompre les traités avec Israël ; aucune voiture fonctionnant aux combustibles fossiles ne devrait circuler sur les routes d’ici 2040 ; la construction de plus de centrales nucléaires devrait être soumise à des référendums… et ainsi de suite. Un smörgåsbord indigeste du genre de politiques auxquelles des personnes qui ont passé une bonne partie de leur vie adulte à se critiquer ne consentiront que lorsqu’elles devront produire un texte avant 5 heures du matin, avec les imprimeurs réclamant du contenu.

En conséquence, le Front Républicain pourrait ne pas tenir : les républicains, déjà divisés lorsque un groupe dissident dirigé par Eric Ciotti a décidé de soutenir le Rassemblement National au premier tour, refusent maintenant de dire à leurs électeurs pour qui voter. Le premier Premier ministre populaire de Macron — l’ancien maire du Havre Édouard Philippe, un modéré qui depuis la dissolution de l’Assemblée nationale qualifie Macron de ‘psychotique’ — insiste sur le fait que le Front Républicain ne peut pas inclure les Mélenchonistes — qui, mieux organisés, contestent le plus de sièges à gauche. Et le jeune Dark Vador de l’Empereur Palpatine, le Premier ministre Gabriel Attal, qui a failli en venir aux mains avec Macron le soir où il a décidé de ‘lancer une grenade en direct’ dans le paysage politique français sans le prévenir, envisage maintenant de se présenter à l’élection présidentielle dans trois ans — ou plus tôt, si le grand pari du président échoue.

À en juger par la promenade de Macron dimanche dernier dans les rues d’Amiens — la station balnéaire où il possède une résidence secondaire — vêtu d’une veste en cuir, d’une casquette de baseball et d’un grand sourire, il croit toujours qu’il sortira vainqueur. L’Élysée est actuellement en train d’accélérer une série de nominations dans la haute fonction publique qui garantiront que des personnes compatibles avec Macron dirigeront les services de sécurité, la police et d’autres postes clés. Si Jordan Bardella accepte le poste de Premier ministre de cohabitation sans majorité absolue au Parlement, tout est en place pour lui compliquer la tâche. Et si les électeurs bouleversent les plans de Macron en décidant dimanche que personne ne leur dira quel candidat représente la démocratie et lequel représente le mal absolu, le président a menacé de poursuivre le chaos Palpatine, déclarant que ‘constitutionnellement, je peux dissoudre l’Assemblée nationale dans exactement un an’. Macron a tout sacrifié à son désir présomptueux de rester au sommet. Tout se déroule comme il l’avait prévu — et tant pis pour la France.


Participez à la discussion


Rejoignez des lecteurs partageant les mêmes idées qui soutiennent notre journalisme en devenant un abonné payant


To join the discussion in the comments, become a paid subscriber.

Join like minded readers that support our journalism, read unlimited articles and enjoy other subscriber-only benefits.

Subscribe
S’abonner
Notification pour
guest

0 Comments
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires