Le tabagisme connaît-il une renaissance ? Lors de son désormais emblématique set Boiler Room à Ibiza, la petite peste du jour Charli XCX s’est glissée sous la table pour tirer une taffe sur la cigarette de son petit ami. Pendant ce temps, à Paris, la golfeuse olympique Charley Hull a été empêchée par la foule woke de profiter de son habitude de parcourir le terrain une cigarette accrochée aux lèvres, après avoir critiquée pour avoir signé une multitude d’autographes avec une cigarette à la main lors de l’US Open quelques mois auparavant. Et plus tôt cet été, Natalie Portman et Paul Mescal ont été aperçus en train de fumer devant un bar à vin à Islington. Selon The Guardian, tout cela suggère que le tabagisme est ‘de retour’.
Tous les quelques mois, une célébrité est photographiée avec une cigarette, et les colonnes de mode déclarent que nous vivons un changement de vibe dangereux — que cette génération sera enfin celle qui ravivera l’un des moyens les plus sûrs de se détruire. Mais ces moments viraux ne représentent qu’un autre hoquet passager dans un projet imparable d’éradiquer complètement cette habitude. La nouvelle interdiction de fumer, qui empêchera ceux nés en 2009 ou après d’acheter des cigarettes, garantira que dans 20 ans, fumer ne sera qu’une chose étrangement associée à Dot Cotton ou Krusty le Clown, une curiosité anachronique comme un monocle ou une montre de poche.
Charli XCX a 32 ans, et Charley Hull en a 28. À Bishop’s Stortford et Kettering respectivement, leurs camarades auraient fumé, et non vapoté, derrière les abris à vélos — une espèce en voie de disparition. Mais, vous écriez-vous, les cigarettes sont-elles toujours plus cool que les Elf Bars ? Eh bien, oui. Dans la vision de la génération Z, qui se regardent les uns les autres à travers le prisme faux des réseaux sociaux, être une ‘icône’ consiste à orchestrer soigneusement des illusions d’optique en faisant allusion à des ‘esthétiques’ passagères. Les cigarettes sont, selon les internautes qui ne sortent jamais, ‘iconiques’. L’obsession apparente de Charli pour la cocaïne au début de sa trentaine est précisément la même que la fixation de sa marque sur le tabagisme : 100 % basée sur les vibes, et soigneusement conçue pour être juste une autre caractéristique de sa personnalité de ‘brat’. Tout cela est, bien sûr, dénué de sens — et que les fans aient déjà vu de la cocaïne dans la vraie vie est sans importance. Fumer, cocaïne, Negroni spagliato : ce sont les équivalents modernes des œillets, des perles ou d’un livre dans un portrait de la période moderne. Que ces éléments soient réellement utilisés ou possédés par le modèle est hors de propos : ils font simplement allusion à des attributs convoités (respectivement, mariage, chasteté et érudition) et fonctionnent donc comme de pures abstractions, des symboles.
La génération Z ne verra jamais le tabagisme sous cet angle : comme un symbole de rébellion, de minceur, de stress, de ce qu’ils veulent. Les mille interprétations de cette humble habitude doivent leur existence à quelques cinéastes obsédés par le motif du tabagisme, dont David Lynch — qui a révélé la semaine dernière qu’il n’avait pas quitté sa maison depuis deux ans par crainte de contracter le Covid, ayant ravagé ses poumons atteints d’emphysème au cours d’une longue carrière mesurée en American Spirits. Néanmoins, le mal est fait : la cigarette est si irrévocablement un totem cinématographique — représentant tour à tour une arme, un pénis, un poison, un remède — que personne ne peut désormais commencer à fumer sans ressentir le poids d’un siècle d’associations. Et à mesure qu’elle devient plus interdite, plus dangereuse, le symbolisme de la cigarette devient de plus en plus insupportablement auto-référentiel.
Pour les nouveaux fumeurs de la génération Z, être ‘iconique’ est le seul attrait social de cette habitude — et cela est entièrement compensé par d’autres névroses idéologiques. C’est une génération tellement liée par les contraintes de l’autocensure, tellement perplexe face aux conventions des réseaux sociaux, qu’elle a commencé à utiliser le terme ‘unalived’ (NDT : « plus vivant ») au lieu de ‘killed’ (NDT : « tué(e) ») dans les conversations générales. Ils sont des lâches, et avoir l’air cool (le seul incitatif pour quiconque ait un jour pris sa première cigarette) ne peut pas survivre à cela.
D’ailleurs, est-ce que le vice est encore cool ? Autrefois, les substances définissaient les époques. Depuis la naissance de la contre-culture, chaque décennie avait sa drogue correspondante : les années 60 avaient leur folie lente, leur léthargie qui brise les hiérarchies, l’inertie remplie d’émerveillement de l’acide et du marijuana. Les années 70 avaient leur héroïne sombre, leur chute de l’innocence, une décennie de ténèbres. Les années 80 étaient dans l’extravagance maniaque, la cocaïne à l’état pur. Sur les sols douteusement collants du Studio 54, les discussions rapides, coûteuses et effrénées autour de la coke cristallisaient l’hédonisme criard de cette époque. Les années 90 avaient leurs manies euphorisantes et écrasantes, l’acid house, la MDMA. Après cela, les soirées dansantes se sont essayées à des micro-tendances — les sels de bain, la ket, le NOS — mais la culture jeune en général s’est stabilisée, alimentée par l’alcool immortel et un cocktail d’autres choses qui avaient toutes précédé, devenant ironiquement complaisante. Pendant ce temps, le tabagisme continuait de boiter, un vampire maussade dans le coin de chaque chambre d’étudiant en sueur.
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