En 1993, le Premier ministre britannique de l’époque, John Major, a prononcé un discours devant le Conservative Group for Europe : « Dans cinquante ans », a-t-il prédit, « la Grande-Bretagne sera toujours le pays des terrains de cricket, de la bière tiède, des banlieues vertes invincibles, des amoureux des chiens, et — comme l’a dit George Orwell — des vieilles filles qui se rendent en vélo à la Sainte Communion à travers la brume matinale. »
Face à son auditoire de conservateurs libéraux, Major a maladroitement évoqué une vie microcosmique de la nation qui, morceau par morceau, constituait le Parti conservateur. Son parti survivrait, a déclaré Major, car il était enraciné, non pas dans l’idéologie ou l’activisme, mais dans les pratiques quotidiennes et les associations de millions de personnes : se rendre à l’église, organiser des clubs et mener une vie ordinaire.
Même à l’époque, la vision de Major d’une société civile intacte soutenant un parti séculaire était dépassée. En effet, quelques années plus tard, dans les ‘banlieues vertes invincibles’ du discours de Major, des millions de conservateurs ont abandonné le parti en 1997 pour le Parti travailliste de Blair.
Pourtant, il y avait quelque chose de concret dans son élégie politique. Les associations médiatrices des conservateurs, bien que faibles, ont survécu en 1997 et ont aidé à reconstruire le parti dans le cadre du vague projet de ‘Big Society’ de David Cameron. En revanche, les clubs et associations qui maintenaient la fidélité des électeurs travaillistes — Instituts des mineurs, Associations des travailleurs, Clubs travaillistes, syndicats et chapelle méthodiste — avaient déjà décliné au début des années 90. Sans ces structures, le vote de base du Parti travailliste dans le mur rouge est volontiers passé au bleu en 2019.
Cependant, du point de vue de 2024, le regain de 14 ans du Parti conservateur ressemble maintenant à un incident isolé. En 1953, les conservateurs comptaient plus de 2,8 millions de membres : presque le double du Parti travailliste. Aujourd’hui, il ne revendique que 172 437 membres.
Historiquement, le Parti conservateur s’appuyait sur des clubs ‘conservateurs’ ou ‘constitutionnels’, reliant les députés à leurs communautés à travers des boissons bon marché, du snooker, des spectacles de music-hall et des fléchettes. Ces clubs étaient autrefois le socle ‘non politique’ du Parti conservateur, qui exprimait une vision paradoxale de l’idéologie et de la gouvernance non idéologique.
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