En 1792, le dernier Français à avoir été honoré du titre de dauphin a été jeté en prison au Temple de Paris. Le jeune Louis XVII n’a jamais été libéré ; il est décédé à l’âge de seulement 10 ans.
Plus de deux siècles plus tard, le surnom est attribué à un roturier remarquable. À seulement 28 ans, Jordan Bardella n’a pas de roi. Mais il a une reine, une personne qui lui a été très favorable, le propulsant à la présidence du Rassemblement National (RN) tandis qu’elle vise celle de la France elle-même. Suite à la victoire européenne de la semaine dernière — où le RN a remporté toutes les régions de France — la ‘reine’ et le ‘dauphin’ dominent désormais la nation avec la même confiance que leurs prédécesseurs royaux. Contrairement à leurs prédécesseurs, cependant, ils bénéficient du soutien d’une partie du peuple.
Néanmoins, Bardella et Marine Le Pen forment un couple très étrange. La France a l’habitude que ses présidents soient des énarques, des diplômés de l’École Nationale d’Administration et d’autres académies d’élite. Aucune femme n’est devenue présidente, et seules deux, Edith Cresson et jusqu’au début de cette année, Elizabeth Borne, ont été Premier ministre. Aucune n’a brillé dans ces fonctions, ni n’a exercé suffisamment longtemps pour faire ses preuves.
Contrairement à tous, Bardella a grandi dans un logement social de la banlieue parisienne de Seine-Saint-Denis, ses parents étant d’origine italienne et algérienne. Il a bien réussi à l’école, mais a abandonné un diplôme de géographie à l’université Paris-Sorbonne pour rejoindre le Front National, prédécesseur du RN, à l’âge de 16 ans. Il est rapidement devenu secrétaire départemental, a formé un groupe appelé Banlieues Patriotes (un défi aux banlieues plus connues pour leur radicalisme islamiste) et a été intégré au siège du parti, où il a été porte-parole, vice-président et, en 2022, président temporaire puis président à part entière.
Je l’ai vu s’exprimer devant une foule du RN à deux reprises : une fois, en 2023, lors d’une convention organisée pour récompenser les dirigeants locaux du parti au Havre ; et une fois, en avril, dans une grande salle de la deuxième ville de France, Marseille. Dans les deux cas, il a fait de longues génuflexions — physiquement et verbalement — à sa patronne, qui a ‘toujours eu foi en lui’. Et elle devrait, car son talent politique naturel et son charme, avec son petit sourire légèrement timide et photogénique, font de lui un atout majeur.
Il y a quelques mois, Bardella a été élu le politicien le plus populaire de France, ce qui pourrait contrarier une femme qui a tenté d’atteindre ce niveau pendant des décennies, passant de la notoriété à la célébrité, jusqu’à arriver là où elle et son parti en sont aujourd’hui. Mais dans les deux cas, ils ont pris la parole l’un après l’autre, avec tous les signes d’affection et avec une grande passion. Elle a évoqué la beauté de la campagne et des villages français, comme elle aime le faire. Lui a critiqué Emmanuel Macron, dont la présidence traverse une mauvaise passe, avec pire à venir. À Marseille, tous deux ont pris le temps de souligner que, une fois au pouvoir, ils ne seraient pas liés par les règles de l’Union européenne, sauf si celles-ci étaient bénéfiques pour la France.
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