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Le cordon sanitaire de la droite française se brise

Eric Ciotti and Jordan Bardella together in Paris earlier this week. Credit: Getty

juin 22, 2024 - 1:00pm

Cette semaine, Jordan Bardella du Rassemblement National et Eric Ciotti, leader des Républicains conservateurs, sont apparus ensemble, assis confortablement côte à côte alors qu’ils s’adressaient au MEDEF, la plus grande fédération d’employeurs de France (et un groupe de pression notable pour les intérêts commerciaux).

Outre quelques désaccords sur la réforme des retraites — Bardella soutient le départ à la retraite à 60 ans pour ceux qui ont commencé leur carrière avant l’âge de 20 ans, tandis que Ciotti est un fervent partisan de l’augmentation de l’âge de la retraite à 65 ans — le contenu de la discussion elle-même était relativement harmonieux. Pour une grande partie, il s’agissait simplement de deux politiciens de droite discutant avec des chefs d’entreprise de réductions d’impôts. Cependant, le simple fait que le duo soit apparu ensemble sur scène représente un changement historique et témoigne d’une convergence à droite en France.

Ciotti a accepté d’allier son parti de centre-droit en difficulté avec le RN lorsque Macron a dissous le parlement plus tôt ce mois-ci, ce qui a vu la moitié de son parti essayer de le destituer immédiatement. Pour le moment, du moins, il semble avoir survécu. Chacun a un avis différent sur la conséquence de cette alliance. Pour la gauche, c’est la fin du ‘front républicain’ où tout le monde cherchait à bloquer l’extrême droite. Pour le centre-droit, c’est la fin du ‘cordon sanitaire’ qui maintenait auparavant l’extrême droite à distance.

Pour une grande partie de la droite, cependant, l’alliance représente la fin du ‘piège Mitterrand’, faisant référence à la prétendue préférence de l’ancien président de gauche François Mitterrand pour avoir le Front National (comme le RN s’appelait jusqu’en 2018) comme adversaire. Cela a été démontré par l’introduction par Mitterrand de la représentation proportionnelle en 1985, qui a permis au Front National d’entrer au parlement et a contraint la droite à une désunion permanente alors que les gaullistes refusaient de travailler avec le parti de Jean-Marie Le Pen.

Mais comment ce front uni contre le clan Le Pen s’est-il effondré ?

Marine Le Pen s’est depuis longtemps lancée dans une stratégie de ‘dédiabolisation’, tentant de se débarrasser de la stigmatisation de son père en adoucissant l’image du parti et en changeant son nom. La nomination de Bardella a accéléré ce processus, car le jeune de 28 ans, ami de TikTok, a contribué à consolider le vote des jeunes du parti et à modifier les perceptions des électeurs qui ne considèrent plus le RN comme un parti de racistes âgés. Après le succès de 2017, lorsqu’elle est arrivée au second tour de l’élection présidentielle sur une plateforme ‘welfariste’ et eurosceptique sur les conseils de l’ancien politicien du Front National Florian Philippot, Le Pen s’est depuis préparée au gouvernement en atténuant ces positions et en se concentrant plutôt sur une ligne plus favorable aux affaires et à un certain protectionnisme national.

D’un autre côté de cette équation, Ciotti représente l’acceptation par Les Républicains de leur statut de junior. Les modérés ont fui vers Macron et n’ont pas pu être récupérés par Valérie Pécresse lors des élections de 2022. Les parties de la base de centre-droit ouvrier ont depuis longtemps rejoint Le Pen, et certains conservateurs de la classe moyenne supérieure se sont même tournés vers la Reconquête d’Éric Zemmour.

Les positions de Ciotti sur la culture, l’immigration et la sécurité sont séparées de celles de Bardella par un mur très fin. Ciotti croit à la théorie du Grand Remplacement, soutient l’abolition du ‘droit du sol’ (ce qui signifie que les personnes nées sur le territoire français de parents non français n’obtiendraient pas automatiquement la citoyenneté), a appelé à l’ajout de 100 000 places de prison supplémentaires, et était opposé au mariage gay. Le virage à droite des Républicains sur les questions culturelles et sociales et la modération du RN sur les questions économiques, combinés aux échecs électoraux des LR et à la perspective d’une gauche (relativement) unie, ont fourni un terrain fertile pour la convergence de droite que nous voyons aujourd’hui. Typhanie Degois, une ancienne députée macroniste qui a récemment rejoint LR, a décrit l’unité comme un projet ‘pour rétablir l’ordre dans les rues et les comptes publics’.

Cette convergence est évidente au-delà des partis, car les entreprises cherchent à se rapprocher de Le Pen. Il semblerait même que des membres de la famille influente Dassault, propriétaire du Figaro, sont prêts à sauter le pas et à soutenir le RN.

Pour l’instant, Zemmour reste à l’écart après l’expulsion de la nièce de Le Pen, Marion Maréchal, de son parti pour avoir suggéré que Reconquête ne devrait pas présenter de candidats contre le RN. Bardella ne semble pas vouloir de Zemmour avec lui, de peur d’aliéner les électeurs indécis, mais cela pourrait n’être que temporaire. Une conversation que j’ai eue avec l’un des candidats restants de Reconquête suggérait que leur positionnement était essentiellement motivé par la fierté blessée et le désir de ne pas se laisser abattre. Elle a ajouté que leur dissidence ne s’étend que jusqu’au premier tour de vote. Autrement dit, il y aura probablement encore plus de convergence dans les courses au second tour à venir.


Olly Haynes is a freelance journalist covering politics, culture and the environment

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