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La chute de Michel Barnier ne sauvera pas Macron

PARIS, FRANCE - 26 JUIN : Le président français Emmanuel Macron attend l'arrivée du Premier ministre hongrois Viktor Orbán pour une réunion au Palais de l'Élysée le 26 juin 2024 à Paris, France. (Photo par Remon Haazen/Getty Images)

décembre 5, 2024 - 7:00am

Après avoir tenté de faire passer son budget sans majorité à l’Assemblée nationale, le Premier ministre français Michel Barnier a été déposé cet après-midi par une coalition ad hoc de la Gauche et du Rassemblement National. Il n’a obtenu que 246 voix en soutien, sur 577.

Lorsque Emmanuel Macron a nommé Barnier comme son prochain Premier ministre en septembre, l’ancien négociateur du Brexit savait qu’il s’engageait peut-être dans le travail le plus difficile de sa longue carrière. Trois mois plus tard, il détient désormais le record du gouvernement français le plus court depuis 1958. L’arithmétique parlementaire était devenue trop compliquée avec le budget imminent. Barnier et son gouvernement minoritaire savaient qu’ils étaient à la merci de Marine Le Pen si elle décidait de s’allier avec la Gauche pour un vote de censure. Après des semaines à jouer avec le Premier ministre, elle a décidé de mettre fin à son soutien transactionnel pour le centre.

Pour ce qui s’agit du successeur de Barnier, nous sommes dans des eaux inconnues. Macron pourrait décider de nommer un autre membre des Républicains à sa place. Ce ne serait pas un signe particulièrement conciliant, mais créer une majorité alternative semble difficile. Le centre-gauche ne semble pas plus disposé à soutenir Macron qu’il ne l’était l’été dernier. Une coalition avec Le Pen est évidemment voué à l’échec. Ainsi, le Président devra recommencer et espérer que la tête de Barnier apaise un public en colère.

Mais alors que cette crise politique continue d’engloutir la France, les accusations seront de plus en plus pointés vers Macron lui-même, qui est finalement responsable du chaos parlementaire actuel grâce à sa décision de dissoudre le parlement en juin. Bien qu’il ne puisse pas appeler à un autre vote anticipé avant l’été prochain, il pourrait briser le blocage en démissionnant et en déclenchant des élections présidentielles anticipées.

Pour l’instant, cela semble peu probable. Mais si le blocage persiste, Macron sera la cible d’attaques de toutes parts, y compris de l’intérieur de ses propres rangs. Au sein de son orbite de plus en plus hargneuse, beaucoup ont déjà commencé à marquer leur territoire pour la prochaine course présidentielle — y compris trois de ses quatre précédents Premiers ministres — et considèrent désormais le Président comme un canard boiteux déconnecté, seul responsable du désastreux vote anticipé de cet été.

Donnant du poids à cette vision, Le Monde dresse un portrait peu flatteur d’un monarque isolé entouré d’un petit cercle intérieur de conseillers obséquieux. Dans un style gaullien pompeux, Macron parle désormais prétendument de ses compatriotes français comme de « mon peuple ». Bien que l’article du Monde doive être pris avec des pincettes compte tenu de l’hostilité du journal envers le Président, Macron a indéniablement perdu sa touche magique et manque du capital politique pour exercer un pouvoir significatif.

En arrière-plan, une autre crise est en train de se préparer — cette fois concernant Marine Le Pen. Accusée d’utiliser illégalement des fonds du Parlement européen pour le personnel du RN, elle pourrait être frappée de sanctions financières sévères et, surtout, déclarée inéligible pour les trois prochaines années, ce qui l’exclurait de l’élection présidentielle de 2027. Bien qu’un jugement ne soit pas attendu avant le 31 mars et qu’elle puisse faire appel, elle sait que cette affaire plane sur ses ambitions présidentielles.

On pourrait relier cette affaire à sa détermination croissante à renverser Barnier après avoir été contente pendant des mois de le maintenir sous sa « surveillance », comme elle avait l’habitude de se vanter. Au cours des derniers jours, Marine Le Pen a continué d’augmenter ses exigences envers le gouvernement dans un désir apparent de voir le Premier ministre trébucher sur l’une de ses nombreuses limites à ne pas dépasser et de lui fournir un casus belli, tout en espérant l’effondrement de l’ensemble de l’édifice macroniste. Le Pen l’a clairement fait comprendre aujourd’hui lorsqu’elle a exhorté Macron à partir : « C’est à lui de conclure s’il est en capacité de rester […] et de déterminer s’il peut ignorer l’évidence de la massive défiance populaire que je considère comme définitive. »

La toujours ambitieuse Marine Le Pen aurait beaucoup à gagner d’une élection présidentielle anticipée. À gauche, Jean-Luc Mélenchon de La France Insoumise se porterait candidat avec empressement pour une quatrième fois. Figure charismatique mais vieillissante avec de nombreux opposants acharnés à gauche, il bénéficierait également d’une élection rapide qui pourrait prévenir l’émergence de rivaux potentiels. Mais avec ce qui semble être l’ensemble du spectre politique français aiguisant ses lames, le trône qu’ils convoitent tous deux pourrait s’accompagner d’une facture douloureuse.


Pierre-Louis Bodman is an independent French politics analyst.

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