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Starmer a besoin de la force de Thatcher C'est l'occasion de transformer la discorde en harmonie

SOUTHPORT, ENGLAND - JULY 30: British Prime Minister Sir Keir Starmer arrives with a floral tribute to the child victims of a knife attack on July 30, 2024 in Southport, England. A teenager armed with a knife attacked children at a Taylor Swift-themed holiday club in Hart Lane, Southport yesterday morning. Three children have died while five children and two adults remain in a critical condition in hospital. A 17-year-old boy has been arrested. (Photo by Christopher Furlong/Getty Images)

SOUTHPORT, ENGLAND - JULY 30: British Prime Minister Sir Keir Starmer arrives with a floral tribute to the child victims of a knife attack on July 30, 2024 in Southport, England. A teenager armed with a knife attacked children at a Taylor Swift-themed holiday club in Hart Lane, Southport yesterday morning. Three children have died while five children and two adults remain in a critical condition in hospital. A 17-year-old boy has been arrested. (Photo by Christopher Furlong/Getty Images)


août 7, 2024   6 mins

Nous assistons à un effondrement de l’ordre public avec peu de parallèles évidents dans l’histoire récente de la Grande-Bretagne. Il y a eu des moments de ressemblance, bien sûr : les émeutes de Londres en 2011 ou la « terreur skinhead » du début des années 70. Les affrontements entre les chemises noires d’Oswald Mosley et les coalitions d’antifascistes dans les années 30. Pourtant, aucune de ces comparaisons ne semble tout à fait juste. Ce que nous voyons ici est quelque chose à la fois plus moderne et effrayant.

Une comparaison plus appropriée, je pense, est la période de défaillance de l’État qui a marqué la période tumultueuse de la vie britannique entre l’imposition de la règle directe en Irlande du Nord en 1972 [NDT : L’administration de l’Irlande du Nord par le gouvernement du Royaume-Uni] et la grève des mineurs de 1984. C’était un moment où l’État semblait perdre l’autorité de gouverner, et sa volonté de le faire, alors que la guerre au Moyen-Orient entraînait une récession, des troubles politiques, un repli international et enfin une confrontation industrielle. Les syndicats sont d’abord entrés dans une guerre à mort avec James Callaghan puis avec Margaret Thatcher.

Trop souvent, on comprend la direction de Thatcher comme une bataille pour limiter l’État, plutôt que ce qu’elle était vraiment : une bataille pour réaffirmer la suprématie de l’État. Dans les années précédant sa victoire en 1979, l’État britannique avait à plusieurs reprises échoué à imposer sa volonté, des grèves qui ont fait chuter Ted Heath en 1973-74 au sauvetage du FMI en 1976 et à l’Hiver du Mécontentement en 1978-79. Malgré tous les revirements et l’incohérence du bilan réel de Thatcher en tant que Premier ministre, la source de son succès politique était d’être prête à payer un prix plus élevé que ce que quiconque pensait possible pour imposer à nouveau l’autorité de l’État britannique à l’intérieur et à l’extérieur du pays.

C’est la réalité politique à laquelle Starmer est confronté aujourd’hui. Dans ces moments-là, le rôle du Premier ministre est de faire le Léviathan ; d’imposer l’ordre pour que la civilité puisse revenir. L’État doit réaffirmer son autorité et, surtout, sa primauté. Les petites troupes c’est bien, mais pas lorsqu’elles sont armées.

‘Ce que Thatcher offrait était une démonstration de volonté pour réimposer l’autorité de l’État britannique.’

Pendant la récession du début des années 80, Thatcher a redoublé d’efforts avec son programme d’austérité, même si cela a entraîné un chômage à des niveaux que l’on aurait précédemment considérés comme moralement inacceptables. En 1982, elle est entrée en guerre pour un ensemble de « petites îles habitées par trois moutons », les Malouines, comme François Mitterrand les a décrites, non pas parce qu’elles offraient un avantage réel à la Grande-Bretagne mais en vertu du principe qu’elles étaient britanniques. Et puis, en 1984, elle a utilisé tous les moyens en sa possession — formels ou pas — pour briser le pouvoir des mineurs et mener la guerre à l’Armée Républicaine Irlandaise après qu’elle a tenté de l’assassiner ainsi que tout son cabinet ; l’attaque la plus sérieuse contre l’État britannique depuis 1945.

Comme le souligne David Edgerton dans son récit global de la Grande-Bretagne d’après-guerre, L’Ascension et la Chute de la Nation Britannique, « la différence clé dans la politique des années 80 par rapport à ce qui précédait était la volonté du gouvernement de combattre très durement les contestataires et d’exercer très fortement les droits de l’autorité élue ». Ce qui a distingué Thatcher comme quelque chose de différent, déclare Edgerton, était sa volonté de persévérer « face à l’opprobre » et ce faisant, transformer la confiance en soi des élites britanniques. « Dans les années 70, a émergé l’idée que le Royaume-Uni devenait ingouvernable », écrit Edgerton. « La réponse était, bien sûr, ‘revenir en arrière sur l’État’, en termes rhétoriques, mais cela impliquait également de rendre l’État plus autonome, plus puissant. »

Aujourd’hui, il y a un sentiment similaire d’échec de l’État britannique ; pas tout à fait que le Royaume-Uni est ingouvernable mais qu’il glisse peu à peu dans cette direction, l’État étant incapable d’imposer sa volonté ou celle des personnes qu’il sert. Ce n’est pas seulement une question de la montée en puissance cette semaine de la brutalité raciste et des contre-émeutes violentes — aussi importante soit-elle — mais l’incapacité apparente à remplir ne serait-ce que les fonctions de base d’un État : fournir des places de prison, des audiences judiciaires en temps voulu, des peines adéquates et suffisamment de policiers pour patrouiller dans les rues. Assurer simplement qu’il y a un service de santé fonctionnel, une force policière non corrompue, un régime d’asile humain et des frontières fonctionnelles semble hors de portée aujourd’hui.

Trop de régions de la Grande-Bretagne ne fonctionnent tout simplement pas aujourd’hui. Ces bandes ne se sont pas formées à Tunbridge Wells et Cambridge, mais dans les villes qui ont échoué depuis des décennies. Tout comme mon collègue Aris Roussinos l’a soutenu, nous utilisons des euphémismes pour cacher la réalité de ce que nous pouvons tous voir de nos propres yeux, nous ignorons également nos échecs fondamentaux du gouvernement. Personne ne peut dire que Birmingham, Belfast, Liverpool, Rotherham, Blackburn ou Sunderland — les centres de violence de ces derniers jours — sont des phares de bonne gouvernance et de prospérité. Très peu peuvent dire cela de la Grande-Bretagne en général.

Starmer n’est pas responsable de cette crise. Ce à quoi nous assistons, c’est un effondrement de l’ordre qui a exposé les luttes ethniques anarchiques cachées à la vue de tous. La semaine dernière restera comme une autre accusation épouvantable de l’échec de l’État britannique. Comment en sommes-nous arrivés là ? Comment avons-nous permis à des gangs d’hommes cagoulés de former des bandes pseudo-paramilitaires dans nos villes ?

Un des aspects les plus inquiétants n’a pas seulement été l’effondrement de l’ordre public, mais le fait que l’effondrement semble entre des groupes qui ne se font plus confiance, ne se respectent plus ni ne craignent apparemment ni la police ni la loi — une scène rappelant plus l’Irlande du Nord que l’histoire récente de la Grande-Bretagne continentale. Ironiquement, pendant le mandat de Thatcher, le seul endroit où elle n’a jamais pu rétablir pleinement l’autorité de l’État était en Irlande du Nord, dont la trêve communautaire fragile n’a été atteinte qu’après son départ.

En tant que Premier ministre, Margaret Thatcher a défendu le monétarisme pour finalement l’abandonner discrètement, a décrié l’intégration européenne tout en signant l’Acte unique européen et s’est présentée comme la Dame de fer tout en réduisant les dépenses de défense de 4 % du PIB à 3 %.

Ce qu’elle a offert, cependant, était une démonstration de volonté pour rétablir l’autorité de l’État britannique. Tout Premier ministre qui a depuis montré ne serait-ce qu’un soupçon de perte de cette autorité en a souffert.  Pendant le premier mandat de Premier ministre de Tony Blair, la seule fois que ses cotes de popularité personnelles sont devenues négatives a été pendant les manifestations de l’an 2000. L’autorité de Blair n’a jamais récupéré du désordre anarchique qui a résulté de l’invasion de l’Irak en 2003. En revanche, les cotes de popularité de David Cameron ont grimpé à la suite des émeutes de 2011 lorsque — soutenu par Keir Starmer, alors directeur des poursuites publiques — il a réagi avec une démonstration de force indignée, condamnant la « criminalité, pure et simple », dont il a dit qu’il y « ferait face et vaincrait » avec toute la force de la loi. « Si vous êtes assez vieux pour commettre ces crimes, vous êtes assez vieux pour en subir les conséquences. »

Dans son message au public, Starmer a maintenu une direction similaire, condamnant les « violences d’extrême droite » tout en avertissant quiconque ayant participé à la violence : « Je vous garantis que vous regretterez d’avoir pris part à ce désordre. » Pourtant, cela a été lent à venir, maladroit et peu convaincant quand c’est arrivé, lu à partir d’un morceau de papier plutôt que jaillissant d’un moment de colère. Il se doit d’être plus rapide, fluide, moins répétitif et plus émotionnel. Il doit également trouver un moyen de faire face à la montée de la « Ligue de défense musulmane » et aux provocations constantes d’Elon Musk. Les deux exigent des démonstrations de force, de conviction et d’autorité. Les gens se souviendront de comment il aura relevé ces défis.

Trop souvent, le rôle de Premier ministre est mal compris — même par les Premiers ministres eux-mêmes. Theresa May, qui, comme Starmer, était une politicienne travailleuse, sérieuse et respectable, en a souffert alors qu’elle se battait pour répondre aux exigences performatives du poste. Lorsqu’un kamikaze a tué 22 parents et enfants qui assistaient à un concert d’Ariana Grande à Manchester en 2017, elle a choisi d’envoyer son ministre de l’Intérieur à une cérémonie commémorative pour pouvoir se retrancher à Downing Street pour gérer la crise. Cette décision a été prise pour des raisons parfaitement nobles, mais c’était une erreur. C’était son rôle en tant que leader de pleurer et d’expliquer, pas simplement de gérer. Theresa May s’est présentée comme l’incarnation de la force et de la stabilité mais n’a pas pu être à la hauteur de son discours et en a payé le prix. À la suite de la tragédie de [l’incendie] la tour Grenfell, elle est devenue une coquille vide à peine capable de fonctionner dans son rôle.

Starmer, à peine un mois après avoir pris ses fonctions, doit comprendre la tâche à accomplir, le fil conducteur qui relie chacune de ses « missions » pour le gouvernement — l’autorité. S’il veut réussir avec n’importe laquelle de ses promesses, le Premier ministre doit utiliser cette crise comme une opportunité pour définir son dessein et jouer le rôle qui lui est demandé : Dans la discorde trouvez l’harmonie, comme disait quelqu’un.


Tom McTague is UnHerd’s Political Editor. He is the author of Betting The House: The Inside Story of the 2017 Election.

TomMcTague

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