Lorsque les armes se tairont enfin à Gaza, Israéliens et Palestiniens seront confrontés à une réalité vieille de plusieurs décennies, que ni la violence ni les demi-mesures politiques ne pourront surmonter. Juifs et Palestiniens continueront de revendiquer une propriété privilégiée de la Palestine, s’appuyant sur des siècles d’histoire, dont les mérites ne seront jamais définitivement tranchés, que ce soit par les historiens ou par les deux protagonistes eux-mêmes. La question n’est donc pas de savoir si Juifs et Palestiniens continueront à vivre côte à côte, mais comment. Le feront-ils au milieu de spasmes incessants de violence ou dans le cadre d’une coexistence née d’un règlement négocié, qui réconcilierait le besoin de sécurité d’Israël avec le désir des Palestiniens d’avoir leur propre État?
Les dirigeants israéliens affirment depuis longtemps qu’ils ne peuvent pas négocier avec le Hamas, qui considère l’État juif comme le résultat d’un projet colonial de peuplement sioniste. Pourtant, cette barrière insurmontable à un règlement politique n’existe pas en Cisjordanie — ou, plus précisément, n’existe plus depuis que l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) a renoncé au terrorisme en 1988, reconnu le droit d’Israël à vivre en paix, et accepté de négocier pour créer un État palestinien englobant la Cisjordanie et Gaza. La décision historique de l’OLP a permis le retour de sa direction, d’abord à Gaza puis en Cisjordanie, la formation d’un organe de gouvernance, l’Autorité palestinienne (AP), et l’engagement dans une quête de règlement politique qui donnerait naissance à un État palestinien.”
Les négociations entamées en 1991 ont abouti à deux accords majeurs, Oslo I (1993) et Oslo II (1995), avec les États-Unis jouant le rôle de médiateur. Le second accord a instauré une division tripartite de la Cisjordanie, accordant à l’Autorité palestinienne (AP) des droits de gouvernance limités dans les Zones A et B, tandis qu’Israël conservait un contrôle exclusif sur la Zone C, qui représente 61 % du territoire. Aujourd’hui encore, l’AP n’exerce une autorité civile et militaire complète que dans la Zone A, qui ne couvre que 18 % de la Cisjordanie. De plus, même dans les Zones A et B, les pouvoirs de l’AP sont limités : Israël contrôle l’espace aérien, les points de passage, les télécommunications, les ressources en eau et d’autres ressources naturelles.
Dans ces zones, la population palestinienne est dispersée sur ‘165 îles déconnectées’, tandis que la Zone C, une vaste étendue continue, abrite tous les établissements juifs ainsi que plus de 200 000 Palestiniens. Hagai El-Ad, ancien directeur exécutif de l’organisation israélienne de défense des droits de l’homme B’Tselem, compare à juste titre la géographie politique de la Cisjordanie à du ‘fromage suisse’. Israël n’a jamais été prêt à faire les choix difficiles nécessaires pour transformer ce patchwork en un État palestinien souverain et territorialement continu — pas même lors des pourparlers de Camp David en 2000. Contrairement à la mythologie selon laquelle le Premier ministre Ehud Barak aurait offert à Yasser Arafat, alors leader de l’AP, un État couvrant presque toute la Cisjordanie, Israël n’a en réalité présenté ni documents, ni cartes, ni même d’accord pour un État palestinien pleinement souverain avec un territoire unifié.
Le plan proposé par le Premier ministre Ehud Olmert en septembre 2008, après une série de réunions avec le président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas, allait beaucoup plus loin que ses prédécesseurs. Cependant, Olmert étant alors en déclin politique, Abbas a refusé de se précipiter pour accepter un plan dont l’avenir était incertain. Depuis lors, le concept de deux États s’est progressivement affaibli, ravivant l’idée d’un État unique offrant des droits égaux aux Juifs et aux Palestiniens.
La frustration qui en a résulté a relancé une idée autrefois défendue par des intellectuels juifs dans les premières décennies du sionisme, tels que Gershom Scholem, Judah Magnes et Martin Buber. Parmi les partisans israéliens plus récents, on trouve Meron Benvenisti, ancien adjoint au maire de Jérusalem, et Avi Shlaim, historien à Oxford. Du côté palestinien, cette vision a été soutenue par des figures comme le regretté universitaire Edward Said, Sari Nusseibeh, professeur de philosophie et ancien président de l’Université Al-Quds à Jérusalem, et Rashid Khalidi, historien à l’Université Columbia. Bien que leurs conceptions d’un État unique inclusif ne soient pas identiques, elles reposent toutes sur l’idée que la prolifération des colonies juives a rendu irréalisable la création de deux États nationaux séparés.
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