Rishi Sunak est un ‘millennial‘ et la caractéristique saillante des millennials britanniques c’est la défaite. Peu de générations ont été aussi constamment malmenées par les événements ; en 2020, leur expérience au premier plan s’est terminé par une déroute totale : financière, politique, culturelle.
Leur timing a été désastreux. Chaque étape critique de leur vie a coïncidé avec une catastrophe. Les millennials britanniques venaient de sortir de l’université lors du crash de 2008, et ont été de nouveau frappés par le confinement au seuil de la quarantaine. N’ayant pas d’actifs, ils n’ont vu aucun bénéfice de l’inflation des prix des actifs de la décennie écoulée. Contrairement à leurs homologues américains, la Grande-Bretagne n’a pas connu de boom technologique pour enrichir au moins quelques-uns d’entre eux, ou pour servir de débouché à leurs talents. Ils n’ont pas non plus été, comme en Europe continentale, protégés pendant de longues années stériles par des choses comme le statut d’étudiant perpétuel. Les millennials britanniques ont plutôt dû se contenter du conformisme du programme de diplômés.
Contrairement à la génération Z, ils sont trop fiers pour mener une existence débraillée en marge, à travers le streaming, la cryptomonnaie, la monétisation des loisirs, ou le chômage pur et simple. Mais même le chemin de la respectabilité ne leur a guère profité. Le secteur privé britannique offre des perspectives d’évolution plus lentes qu’en Amérique, tout en étant notoirement pingre pour les salaires. Les millennials sont sous-payés, surtaxés et surfacturés pour tout.
Politiquement, ils ont également échoué. Le corbynisme était la cause authentique des millennials britanniques ; il a seul fait au moins une tentative pour parler de leurs intérêts matériels — comme la dette étudiante. Tout a rapidement été englouti par le Brexit, un enjeu qui indifférait totalement les millennials. Ils ne peuvent pas non plus revendiquer un quelconque rôle de fer de lance culturel. Tout au long des années 2010, la Grande-Bretagne n’a pas eu de mouvement sur les campus digne de ce nom, aucune formation Antifa significative. Toutes les réformes sociales en Grande-Bretagne ont été menées par décret d’en haut, par Roy Jenkins dans les années soixante ou David Cameron en 2011.
D’autres générations ont eu leur lot d’épreuves. Mais avec une grande différence : pour les millennials, aucune de celles-ci n’a apporté la moindre amélioration. Ruinés, confinés, salaires grignotés. Pour les générations précédentes, la guerre et les catastrophes ont au moins offert des opportunités d’avancement, et tout en brûlant le bois mort de la société. La génération de Français qui a survécu aux guerres napoléoniennes pouvait se projeter sur la médiocrité confortable du XIXe siècle. Ce n’est pas le cas des millennials, à qui on n’a donné ni catharsis ni vie tranquille. Leur adversité n’était pas du genre à endurcir, seulement du genre à vous faire vous recroqueviller en boule défensive, peut-être pour ne jamais en ressortir.
Cela s’est avéré. Les millennials britanniques sont diligents, consciencieux, courtois presque à l’excès. Mais ils se sont essentiellement retirés de l’histoire. Dans la plupart des domaines, les millennials britanniques se sont simplement repliés sur les goûts et les présupposés de leurs parents — la génération Britpopper. Ils vénèrent sans fin des personnalités comme Ian Hislop. Ils ont même adopté les ennemis de leurs parents comme les leurs, comme Margaret Thatcher, quelqu’un qui a quitté ses fonctions avant que beaucoup d’entre eux ne naissent. Le respect générationnel se manifeste même dans la musique des millennials, dans l’étrange asservissement d’Ed Sheeran à Elton John.
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