La semaine dernière, une vidéo est devenue virale montrant des politiciens maoris au Parlement néo-zélandais réalisant une scène de théâtre politique ridicule. En protestation contre un projet de loi visant à réviser les termes du Traité de Waitangi, vieux de 184 ans, qui accorde des dispositions uniques aux Maoris en échange de la domination britannique, des députés ont déchiré des copies du projet de loi et exécuté une danse haka traditionnelle en défi. Le politicien à l’origine du projet de loi, David Seymour, du parti libertarien ACT, a soutenu qu’il allait à l’encontre du principe d’égalité au profit de droits spéciaux accordés à des groupes. Cette semaine, plus de 40 000 manifestants se sont rassemblés à Wellington pour protester contre le projet de loi.
Le principe du traité repose sur l’idée que la Nouvelle-Zélande est un État binational, composé d’une communauté de colons anglo-saxons — qui, en raison des récentes vagues d’immigration massive, est désormais beaucoup plus multiethnique — et d’une communauté maorie indigène. Les Maoris forment une confédération de diverses tribus qui partagent la souveraineté, notamment en ce qui concerne les droits fonciers et la représentation politique.
Certains membres de la droite se sont moqués des manifestations maories, les qualifiant d’étrange spectacle d’ethnonationalisme. Il y a une part de vérité dans cette accusation. Une grande partie de l’activisme en faveur des droits des peuples indigènes repose sur des notions idéalisées, selon lesquelles des communautés comme celle des Maoris seraient des « sauvages nobles » possédant une manière de vivre et une relation « unique » avec la terre, liées à leur ascendance, et qui devraient être reconnues et préservées par l’État. Comme l’a déclaré Hana-Rawhiti Maipi-Clarke, la députée à l’origine des manifestations, lors d’un récent rassemblement : « Nous sommes les faiseurs de rois et le peuple souverain de cette terre ». Cependant, ceux qui s’opposent à cette vision ne le font pas par un principe libéral authentique. Leur opposition relève avant tout de l’hypocrisie : leur rejet n’est motivé que par le fait que cela va à l’encontre de leur propre groupe ethno-national (les Anglo-blancs).
Le concept d’« indigénéité », qui a gagné en popularité parmi certaines factions de la gauche, de l’académie post-coloniale et des activistes décoloniaux ces dernières années, est devenu toxique. Dans le contexte du conflit israélo-palestinien, les deux camps utilisent cette rhétorique pour affirmer que leur peuple est le « véritable » propriétaire de la Terre Sainte, ce qui a légitimé une mentalité de guerre raciale. L’utilisation de ce concept a permis la propagation de l’essentialisme racial et du racisme pur pendant une génération. Il s’agit d’une approche réactionnaire, car elle postule que certains territoires « appartiennent » à un peuple particulier, et qu’un peuple particulier « appartient » à un territoire en raison d’une connexion ancestrale et spirituelle supposée unique, qu’ils seraient les seuls à posséder. Il ne faut pas oublier que cette notion a été fondamentale pour les mouvements nationalistes proto-fascistes aux 19e et 20e siècles.
Il n’est pas surprenant que les partisans de la théorie du Grand Remplacement et de la Nouvelle Droite française aient longtemps récupéré des idées à connotation de gauche pour rebrander leur racisme sous le terme « ethnopluralisme ». Cette idéologie, qui semble presque acceptable dans nos sociétés multiculturelles, soutient que chaque groupe devrait préserver son héritage unique et ancien, afin de se protéger du capitalisme global et du libéralisme, qu’elle accuse de les diluer insidieusement par l’immigration massive et la mondialisation. On observe ici des ethnonationalistes qui adoptent le ton de minorités victimisées, affirmant que l’« indigénéité » est sacrée.
Les manifestations maories ont mis en lumière des courants de pensée étrangement peu réfléchis aux deux extrémités de l’échiquier politique. La liberté individuelle et le sentiment d’appartenance à une terre ne dépendent pas, et ne devraient pas dépendre, de l’ascendance « raciale » ou d’une vision ethnocentrique de la souveraineté, mais du simple fait d’être humain.
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