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La chute de Hama n’est pas une raison de célébrer en Occident

HTS a des racines dans les mouvements djihadistes. Crédit : Getty

décembre 6, 2024 - 7:00am

Autrefois symbole du pouvoir de Bashar Al-Assad, la ville syrienne de Hama est désormais tombée aux mains des forces rebelles. Le fait que celles-ci soient principalement dirigées par Hayat Tahrir al-Sham (HTS), une coalition ayant des racines dans les mouvements jihadistes, fait de la chute de Hama une cause de joie non dénuée de nuances. Ce succès fait suite à la capture d’Alep par les rebelles, et ils utilisent, peut-être sans surprise, cela comme preuve que la victoire totale en Syrie est désormais inévitable.

Cela soulève cependant de sérieuses questions sur l’avenir de la Syrie et de la région dans son ensemble.

Hama est importante. Située entre Damas et Alep, c’est une artère vitale reliant le nord et le sud du pays. Sa capture perturbe les lignes d’approvisionnement du gouvernement et isole davantage le régime déjà en difficulté d’Assad. Au-delà de sa géographie, Hama porte également un poids symbolique. En 1982, la ville a été le site de l’un des massacres les plus infâmes du régime Assad, lorsque le père de Bashar al-Assad, Hafez, a écrasé un soulèvement islamiste, tuant des dizaines de milliers de personnes au passage. Pour beaucoup, la chute de Hama aux mains des forces rebelles ressemble à une justice — la roue tourne, même si cela prend des décennies pour compléter une seule révolution.

Les images du terrain sont donc triomphantes : les réseaux sociaux débordent de scènes de célébration parmi les factions rebelles, de prisonniers libérés des centres de détention centraux de Hama, et de combattants triomphants défilant dans les rues.

Les avancées rapides des forces d’opposition ont exposé les vulnérabilités du régime d’Assad, particulièrement alors que ses alliés deviennent de plus en plus distraits par d’autres conflits. La Russie, qui a effectivement soutenu Assad pendant des années, a redirigé une grande partie de son attention et de ses ressources vers la guerre en Ukraine, tandis que le Hezbollah, un autre allié clé d’Assad, a été sévèrement battu par les Israéliens. Le résultat est que les forces gouvernementales syriennes — jamais particulièrement impressionnantes — sont désormais systématiquement incapables de mener une défense efficace contre les offensives coordonnées des rebelles.

Les implications de la chute de Hama sont sérieuses. Déjà, les rebelles semblent tourner leur attention vers Homs, une autre ville stratégiquement significative située juste au sud. S’ils réussissent à la prendre, ils pourraient bien isoler Damas des régions côtières, isolant le régime d’Assad de ses derniers bastions en dehors de la capitale. Cela serait probablement un coup fatal pour un gouvernement qui, malgré des années de guerre, semblait lentement consolider son pouvoir.

Pour les rebelles, la victoire à Hama est un coup, mais un coup qui comporte des risques significatifs. Le rôle de premier plan joué par HTS complique les choses. Bien que HTS se soit distancié de ses origines liées à Al-Qaïda, ces origines en font un acteur controversé sur la scène internationale. Les puissances occidentales, longtemps réticentes à s’engager directement avec HTS, font maintenant face à un dilemme : soutenir l’élan de l’opposition ou risquer de céder de l’influence à des groupes dont l’idéologie leur semble répugnante.

La Turquie, bien qu’elle ne soutienne pas officiellement HTS, soutient clairement le groupe avec de l’argent, de l’équipement et de la formation, ce qui pourrait mettre à rude épreuve ses relations déjà fragiles avec ses (supposés) alliés occidentaux et la mettre en désaccord avec la Russie.

Les Nations Unies ont rapporté des déplacements massifs depuis Hama. Les organisations humanitaires peinent à fournir de l’aide au milieu du chaos, et il est désormais probable que d’autres Syriens fuient le pays, se dirigeant vers la Turquie et l’Europe, annonçant les possibles débuts d’une nouvelle crise migratoire.

La chute de Hama souligne deux choses : la faiblesse détestable du régime d’Assad mais aussi l’instabilité continue du Moyen-Orient. Alors que les rebelles avancent et que le régime tente de récupérer, les dangers augmentent, non seulement pour les Syriens mais pour tous ceux du Moyen-Orient au sens large. La bataille pour Hama est peut-être terminée, mais la lutte pour la Syrie est loin d’être achevée.


David Patrikarakos is UnHerd‘s foreign correspondent. His latest book is War in 140 characters: how social media is reshaping conflict in the 21st century. (Hachette)

dpatrikarakos

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