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Emmanuel Macron ne pourra pas tenir la droite à l’écart indéfiniment

A pyrrhic victory for the Macronistes. Credit: Getty

juillet 8, 2024 - 7:00am

Cela aurait dû être leur soirée. Le Rassemblement National de Marine Le Pen, autrefois aux franges extrêmes de la politique française et qui n’avait que deux députés en 2017, semblait sur le point de devenir le plus grand bloc parlementaire. Des magasins parisiens ont érigé des barricades au cas où il y aurait des manifestations anti-RN fiévreuses. Le décor était planté pour une explosion nationaliste. Mais au lieu de cela, le parti de Le Pen a connu une défaite flagrante avec environ 150 sièges.

L’histoire porte désormais sur la façon dont les politiciens centristes et de gauche les ont arrêtés en retirant tactiquement plus de 220 candidats dans les circonscriptions où le RN était qualifié pour des courses à trois. Leurs électeurs se sont mobilisés en masse. Comme l’écrit l’Economist, le ‘centre’ a tenu bon et le RN a largement sous-performé même par rapport aux sondages les plus pessimistes.

En effet, cela prouve que la question la plus importante soulevée par cette campagne, avant tout débat politique substantiel, était la peur du RN. Fondamentalement, la seule question sur le bulletin de vote était de savoir si les Français voulaient que Jordan Bardella soit leur prochain Premier ministre. Et la majorité des électeurs a décidé que non.

Cela laisse le parlement français dans un état fracturé. Avec 33 % des voix, le Parti travailliste britannique a remporté 65 % des sièges. Avec 33 % des voix au premier tour, Le Pen a obtenu 25 % des sièges. Un système conçu pour fournir de solides majorités parlementaires donne naissance à un parlement éclaté en millions de confettis à la hollandaise. Si les Français évitent d’avoir à recourir à un gouvernement technique à l’italienne, au milieu de ce joyeux désordre, une coalition pourrait se former quelque part.

Macron devra nommer un Premier ministre mais ce Premier ministre aura besoin d’une majorité. Si l’on retire les sièges du RN et ceux de La France Insoumise de Jean-Luc Mélenchon — qui ont anéanti toute possibilité de travailler en coalition avec leurs ambiguïtés sur l’antisémitisme — alors le président se retrouve avec environ 360 sièges. Il doit trouver 289 députés pour former une coalition. Sur le papier, le centre-droit et les Macronistes seraient en déficit. Cependant, il semble que le bloc Macroniste pourrait s’ajouter à la gauche non-Mélenchon (les communistes, les socialistes et les écologistes) et obtenir de justesse une majorité.

Ce n’est pas sans ironie. L’opinion publique française est probablement la plus à droite de son histoire de la Cinquième République (lors des élections européennes, la droite, à l’exception de Macron, a remporté 44 % des voix) et pourtant, la France pourrait finir par former l’un des gouvernements les plus à gauche depuis 1981. Il est loin d’être acquis que Macron puisse attirer le centre-gauche. Les socialistes se sont engagés à rester unis — ce qu’ils devraient faire pour renforcer leur pouvoir de négociation — mais c’est la seule voie vers 289 députés qui semble réalisable.

Les désaccords avec la gauche semblent considérables, notamment en matière de politique fiscale, d’immigration ou d’éducation. Macron a signalé qu’il était prêt à faire des concessions en gelant un projet de loi visant à durcir les allocations chômage, mais combien de revirements à 180 degrés pourrait-il supporter ? D’autant plus qu’après cette élection anticipée, il n’est pas clair à quel point le ‘bloc Macroniste’ restera loyal envers un chef affaibli qui a presque réussi à leur faire perdre leur emploi en tentant un acte de suicide politique. Certains d’entre eux pensent déjà à la prochaine élection présidentielle et chercheront à se distancer à la fois de Macron et de la gauche.

Même avec la meilleure volonté du monde, cette coalition fragile sera soumise à une pression immense avec le prochain budget à l’automne. Macron s’est engagé de manière optimiste à réduire le déficit, actuellement à 5,5 % du PIB, à 3 % d’ici 2027. Les enjeux sont considérables pour un pays avec une dette équivalant à 110,6 % de son PIB. La Commission européenne a ouvert une procédure pour déficit excessif. Les agences de notation ont déjà suivi de très près, voire déclassé la France.

Des choix budgétaires difficiles allaient devoir être faits, et les arithmétiques parlementaires étaient déjà si difficiles que le gouvernement aurait probablement été censuré. Ajoutez à cela une coalition encore plus fracturée, avec la gauche promettant 179 milliards d’euros de dépenses publiques supplémentaires et des centristes voulant revenir à la discipline fiscale, et nous avons un mélange explosif.

La seule chose sur laquelle ils pourraient être d’accord est de retravailler les institutions françaises. Jusqu’à présent, le modèle électoral unique du pays a maintenu Le Pen à distance, mais combien de temps encore pourra-t-il tenir bon ? Le jour où le barrage cédera, Le Pen pourrait bien passer d’une famine électorale à un festin politique en remportant à la fois une majorité parlementaire et la présidence. Surtout parce que le RN serait l’opposition officielle à une coalition Frankenstein forcée de prendre des décisions impopulaires.

Dans l’univers de Macron, beaucoup plaident en faveur d’un système plus proportionnel. Il a longtemps promis une réforme des institutions françaises. Après son pari raté, essayer de se présenter comme le père fondateur d’une République française renouvelée pourrait être sa meilleure option pour sauver son héritage.


François Valentin is a political analyst and co-host of the Uncommon Decency podcast.

Valen10Francois

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