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Le revirement de Justin Trudeau sur l’immigration est trop peu, trop tard

Justin Trudeau, le premier ministre du Canada, lors d'une conférence de presse à Ottawa, Ontario, Canada, le lundi 14 octobre 2024. Le Canada et l'Inde ont expulsé leurs émissaires les plus hauts placés, élargissant considérablement leur fossé alors que la police canadienne a formulé de graves accusations selon lesquelles des diplomates et des agents indiens seraient impliqués dans des homicides et des extorsions "en augmentation". Photographe : David Kawai/Bloomberg via Getty Images

octobre 27, 2024 - 12:00pm

Après avoir survécu à une révolte avortée au sein du parti cette semaine et avec ses cotes de popularité personnelle en chute libre, le Premier ministre canadien Justin Trudeau cherche des moyens de reprendre le contrôle du récit. Et il vient peut-être d’en trouver un sous la forme d’un virage politique majeur promettant de réduire les objectifs d’immigration du pays. Flanqué du ministre de l’immigration Marc Miller, Trudeau a annoncé une réduction de 21 % des arrivées de résidents permanents pour l’année prochaine, passant de 500 000 à 395 000. Cela sera suivi de nouvelles réductions à 380 000 en 2026 et 365 000 en 2027.

L’effet estimé de ces changements est une baisse de 2 % de la population après environ trois ans d’expansion démographique exorbitante, durant laquelle le pays a atteint une population totale de plus de 40 millions, en hausse par rapport à 37 millions en 2021. Ce furent les plus grandes augmentations annuelles depuis le Baby Boom des années cinquante — la différence étant que la grande majorité (97 % en 2023) de cette croissance provient de l’immigration plutôt que des naissances.

Longtemps vantée par les dirigeants politiques et économiques du Canada comme une solution universelle à une population vieillissante, l’immigration avait été un point de consensus pendant des années. Cependant, les effets d’une approche de plus en plus permissive sont devenus trop difficiles à ignorer, en particulier dans les domaines du logement et des marchés du travail. L’annonce de Trudeau était teintée de rhétorique libérale affirmant l’engagement du Canada à garantir une société pro-immigration. Le Premier ministre a déclaré : « L’immigration est notre superpuissance — et le sera toujours. » Néanmoins, il a ensuite souligné l’argument pragmatique en faveur de réductions immédiates dans ce qui semblait être une rare admission d’erreur, concédant : « Nous n’avons pas trouvé le bon équilibre. » C’est une correction de cap tardive pour une politique ratée entreprise, en grande partie, pour gonfler les chiffres de croissance et prévenir une récession.

Le Premier ministre a également été rapide à fustiger le secteur des affaires qui avait « exploité des travailleurs étrangers tout en refusant d’embaucher des Canadiens pour un salaire équitable ». De plus, « les collèges et universités accueillent plus d’étudiants internationaux que les communautés ne peuvent en accueillir, les traitant comme un moyen jetable de remplir leurs propres poches ». Trudeau a tout à fait raison d’identifier les principaux groupes d’intérêt qui ont plaidé pour ces chiffres insoutenables. Mais la question est de savoir pourquoi son gouvernement fédéral, qui est responsable de l’approbation des visas — ainsi que les différents gouvernements provinciaux (notamment, le gouvernement conservateur de l’Ontario), qui sont responsables de l’enseignement supérieur et du logement — a écouté ces lobbies et a acquiescé si longtemps.

En effet, les mêmes lobbies sont maintenant en émoi. La Chambre de commerce du Canada a averti que « diminuer notre main-d’œuvre aura un impact sur les employeurs à travers le Canada qui peinent à trouver la main-d’œuvre dont ils ont besoin […] ». Un article d’opinion dans le Globe and Mail affirme que « le Canada est potentiellement en route vers une baisse de l’offre de main-d’œuvre ». Ce n’est que maintenant que ces mêmes voix pro-entreprises ont perdu leur crédibilité auprès du public canadien : idem pour le Premier ministre, qui risque de perdre les prochaines élections, malgré le revirement.

Quant à savoir si les coupes elles-mêmes seront suffisantes pour rétablir l’équilibre du système — un problème pour le prochain premier ministre — tout dépendra de si les 2,36 millions de titulaires de visas temporaires quitteront effectivement le pays une fois que leurs visas expireront dans les deux prochaines années. Le public canadien, poli et avers au conflit, n’a peut-être pas le cœur à exiger que les migrants quittent le pays. Tout comme son père, maintenir le pouvoir est la priorité de Trudeau — mais il ne voudra pas rester pour les décisions difficiles et les potentielles acrimonies.


Michael Cuenco is a writer on policy and politics. He is Associate Editor at American Affairs.
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