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L’attaque de Solingen a enflammé le débat sur l’immigration en Allemagne

SOLINGEN, ALLEMAGNE - 24 AOÛT : Des personnes en deuil se tenant près du site des poignardages mortels d'hier qui ont fait trois morts et huit blessés le 24 août 2024 à Solingen, en Allemagne. Un assaillant armé d'un couteau aurait poignardé des personnes au hasard la nuit dernière lors d'une célébration publique marquant le 650e anniversaire de la ville. La police a lancé une intense chasse à l'homme à la recherche de l'assaillant, qui est toujours en fuite. Parmi les huit personnes blessées, cinq sont dans un état critique. (Photo par Sascha Schuermann/Getty Images)

août 28, 2024 - 1:00pm

Cologne

Ici à Cologne, à environ 15 minutes de Solingen, le choc est profond et la tension monte. C’est à Solingen, à la fin de la semaine dernière, qu’un réfugié syrien a été arrêté pour avoir tué trois personnes et blessé huit autres, dont certaines gravement, lors d’une attaque au couteau.

À l’approche des élections régionales cruciales dans l’est de l’Allemagne ce dimanche, tous les partis cherchent à montrer qu’ils réagissent à l’atrocité. Mais le public n’a que faire des postures politiques. Les électeurs attendent des propositions concrètes pour faire face aux risques de sécurité liés à l’immigration de masse de ces dernières années.

Depuis que l’État islamique a revendiqué l’attaque, une grande partie de la discussion immédiate a tourné autour du terrorisme et de la criminalité liée aux attaques aux couteaux. La ministre de l’Intérieur Nancy Faeser, du Parti social-démocrate, a proposé la semaine dernière que la longueur des couteaux que les gens sont légalement autorisés à porter soit réduite de 12 centimètres à 6 centimètres, et que les couteaux à cran d’arrêt soient complètement interdits. Le vice-chancelier Robert Habeck du Parti vert a également exigé des lois plus strictes sur les armes et davantage de zones où les couteaux sont interdits.

Pour de nombreux Allemands, ce débat ressemble à une lutte contre les symptômes plutôt que contre la racine d’un problème qui va bien au-delà de cet incident récent. Dans une enquête le mois dernier, un peu plus de la moitié des Allemands ont déclaré qu’ils se sentaient encore en sécurité dans les espaces publics. En 2017, c’était encore trois quarts. Ce n’est pas seulement dû aux incidents terroristes. Rien qu’en 2023, la criminalité violente a augmenté de 8,6 %. La proportion de suspects non allemands parmi tous les crimes signalés a augmenté à 41 %. La dernière fois que ce chiffre a dépassé 40 % c’était en 2016, l’année suivant la decision d’Angela Merkel de permettre à environ 1 million de migrants d’entrer dans le pays.

Malgré la politique généreuse de l’Allemagne envers les réfugiés, des centaines de milliers d’immigrants illégaux vivent dans le pays, leur nombre étant estimé à plus de cinq cent mille. Cela pose un risque de sécurité évident mais demeure un sujet rarement discuté en public, souvent par crainte d’alimenter la montée de l’extrême droite Alternative für Deutschland.

Cependant, c’est précisément ce manque de débat honnête sur les conséquences de l’incapacité à contrôler l’immigration de masse qui a aidé l’AfD à gagner du soutien ces dernières années. En 2015, lorsque le parti — alors âgé de seulement deux ans — a d’abord gagné en notoriété en raison de la crise des réfugiés, de nombreux électeurs n’ont eu aucun moyen d’exprimer leurs préoccupations.

Merkel, qui avait pris et défendu la décision d’ouvrir les frontières, dirigeait les Chrétiens-démocrates (CDU), le parti conservateur de l’Allemagne. Un vote pour son parti était un vote pour sa politique en matière de réfugiés ; les autres grands partis se rangeaient à ses côtés ou étaient encore plus à gauche. Le seul moyen d’exprimer une inquiétude dans les urnes était donc de se tourner vers l’extrême droite du spectre politique. Ainsi, lors des élections fédérales de 2017, l’AfD a obtenu des sièges au parlement pour la première fois, devenant immédiatement le troisième plus grand parti.

Après l’ère Merkel, la CDU a reconnu que laisser les préoccupations liées à la migration de masse à l’AfD équivaut à donner au parti d’extrême droite un monopole politique sur une question qui préoccupe profondément de nombreux Allemands. À la suite de l’atrocité de Solingen, le leader de la CDU, Friedrich Merz, a déclaré que « ce ne sont pas les couteaux qui posent problème, mais les personnes qui les portent. » Dans une lettre publique au ton ferme publiée dimanche, intitulée « Assez ! », il a exhorté le chancelier Olaf Scholz à collaborer avec lui, en tant que chef de l’opposition, pour introduire des mesures efficaces afin de réformer la politique d’immigration.

On peut débattre de la faisabilité des propositions de Merz. Il exige un refus complet des demandes d’asile émanant de personnes venant de Syrie et d’Afghanistan, une mesure qui pourrait se heurter à des obstacles juridiques. Toutefois, le signal que Merz est prêt à repenser la politique d’immigration dans son ensemble semble avoir été entendu par les électeurs.

Le premier sondage réalisé après l’attaque de Solingen montre une augmentation de 1% pour le CDU, ce qui signifie que le parti de centre-droit gagnerait confortablement une élection avec 31,5%. L’AfD a perdu un demi-point. On ne sait pas si cela aura un impact immédiat sur les élections régionales de dimanche, mais le signal mérite d’être pris en compte par les partis établis d’Allemagne.

Les gens veulent exprimer leur inquiétude face à la sécurité décroissante dans les rues de leur pays et attendent des mesures concrètes pour y remédier. Ignorer les profondes transformations qu’a connues l’Allemagne depuis 2015 ne fera pas disparaître le débat. Au contraire, cela ne fera que laisser le terrain à l’AfD.


Katja Hoyer is a German-British historian and writer. She is the author, most recently, of Beyond the Wall: East Germany, 1949-1990.

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