La perte de Prigozhin n’est pas la seule à avoir dégonflé toute confiance restante parmi les Russes dissidents. Le pays est dans un état d’ennui politique frôlant le nihilisme depuis des années, encouragé par une machine de propagande d’État qui a encouragé le public à ne faire confiance à rien ni à personne.

Alors que certains Russes sont contre la guerre, le soutien reste constant à environ deux tiers de la population. Ceux qui s’opposent au conflit sont soit impuissants, soit réticents à faire quoi que ce soit à ce sujet, et de nombreux Russes sont simplement plus préoccupés par leur propre niveau de vie que par le fait que leur pays commet des actes de terreur à l’étranger. Certains se considèrent comme les ‘vraies’ victimes.

Politiquement, le régime de Poutine se réoriente. Le syndicat central reste le même, simplement réorganisé à des postes de plus grande ancienneté, tandis que les échelons légèrement inférieurs sont les boucs émissaires, qui sont utilisés comme exemples par l’appareil de sécurité intérieure pour tenter de soumettre les autres. Et le président a clairement vu la nécessité de certains changements réels s’il veut avoir une chance de mener une guerre prolongée. De façon ironique, il semble que Poutine commence enfin à réaliser que Prigozhin avait peut-être raison sur l’effort de guerre défaillant.

Le mois dernier, Poutine a finalement remplacé le ministre de la Défense de longue date, Sergueï Choïgou, par un technocrate, Andreï Belousov, afin d’améliorer l’efficacité économique de la guerre. La Russie essaie de prouver qu’elle n’est pas complètement isolée sur la scène mondiale — une tentative quelque peu compromise par le fait d’avoir récemment tendu la main au royaume ermite de la Corée du Nord en tant qu’allié.

Wagner, lui aussi, a changé de forme. Alors que certains loyalistes de Prigozhin étaient réticents à commencer à coopérer avec les structures officielles de la Russie, beaucoup ont été facilement intégrés de nouveau dans le système du pays sous le contrôle du Ministère de la Défense, de la Garde Nationale (Rosgvardiya), ou d’autres paramilitaires affiliés. Wagner est toujours actif sur le continent africain, sous le nouveau nom de ‘Africa Corps’, et avec un leadership différent. Les vieilles habitudes ont la vie dure, cependant : un rare reportage récent a documenté comment des paramilitaires russes ont drogué et violé des adolescentes en République centrafricaine.

Le régime continue de réprimer sévèrement les rares actes de résistance significatifs, ainsi que les libertés des médias. La Russe-Américaine Ksenia Karelina, par exemple, est actuellement en procès pour avoir fait un don de 50 $ à une association pro-ukrainienne. La Russie a perdu des centaines de milliers de soldats en Ukraine, soit morts soit blessés, et ses éléments les plus brillants ont fui à l’étranger.

Les perspectives restent sombres pour le peuple russe ordinaire. Mais Poutine s’en moque. Tant qu’il peut poursuivre sa campagne ukrainienne, rien d’autre n’a d’importance. En Russie, rien n’a d’importance.