Michel Foucault, décédé il y a 40 ans aujourd’hui, est sans aucun doute l’un des intellectuels les plus influents de la fin du XXe siècle. Le récit standard qui circule à son sujet depuis des décennies, notamment à droite sur le plan politique, est qu’il est le parrain du postmodernisme devenu hégémonique dans les universités anglophones dans les années 80 et 90. Cette idéologie s’opposait à la notion de vérité objective, prêchait les vertus du relativisme, décrivait la réalité supposée d’un pouvoir oppressif invisible mais omniprésent, et était généralement anti-occidentale.
Selon cette vision du travail de Foucault, une génération d’universitaires, philosophes, enseignants, écrivains et journalistes ont été inculqués par ses idées, produisant ainsi une élite culturelle qui promeut les iniquités de la ‘wokeness’ et de la politique identitaire. Dans cette perspective, on rejette la liberté d’expression, on croit que les sociétés occidentales forment la superstructure culturelle de la suprématie blanche qui doit être ‘décolonisée’, et on affirme que le genre et la sexualité sont des constructions sociales et donc malléables.
De plus, les critiques de droite qualifient fréquemment la pensée de Foucault d’une autre espèce de marxisme. Douglas Murray a écrit dans The War on The West que ‘l’analyse obsessionnelle de Foucault de tout à travers un prisme quasi-marxiste des relations de pouvoir réduisait presque tous les éléments de la société à une dystopie transactionnelle, punitive et dénuée de sens.’ Jordan Peterson a également qualifié Foucault de ‘néo-marxiste postmoderne’.
C’est un récit populaire et de longue date mais qui comporte plusieurs problèmes. Tout d’abord, il est incohérent de décrire Foucault comme un ‘néo-marxiste’ ou un ‘marxiste culturel’. Lui, comme d’autres penseurs postmodernes, était largement opposé au marxisme. Bien que Foucault ait rejoint le Parti communiste français en tant que jeune étudiant sur les conseils de Louis Althusser, il est parti peu de temps après en raison de l’homophobie qu’il a vécue au sein du parti et de l’antisémitisme employé par les staliniens à la suite du Complot des médecins.
Foucault est ensuite devenu très critique du marxisme, qu’il voyait comme un rejeton des Lumières défendant l’objectivité scientifique et croyant que l’histoire avait une direction progressive et téléologique au lieu d’être une série de discontinuités non linéaires et de contingences qui ne possèdent aucune logique interne.
Comme de nombreux autres philosophes postmodernes, Foucault a façonné sa pensée à partir d’un profond désenchantement du stalinisme et des horreurs qu’il a engendrées. Le telos espéré du communisme dans l’histoire a plutôt conduit à une oppression accrue et a donné naissance à une nouvelle élite au nom du prolétariat. Avec deux guerres mondiales et l’Holocauste à peine derrière eux, il leur semblait que l’histoire ne progressait pas vers la liberté, mais dans la direction de la catastrophe. Le postmodernisme est donc plus le reflet de ce profond désenchantement de l’histoire que d’un complot insidieux.
Participez à la discussion
Rejoignez des lecteurs partageant les mêmes idées qui soutiennent notre journalisme en devenant un abonné payant
To join the discussion in the comments, become a paid subscriber.
Join like minded readers that support our journalism, read unlimited articles and enjoy other subscriber-only benefits.
Subscribe